Si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous parler d’une dame très âgée qui a toujours connu les arbres sur son quai, mais oui les fameux platanes qui l’ont accompagnée toute sa vie durant, bruissant de moineaux au printemps et qui depuis sa fenêtre constituent sa vue depuis plus de 80 ans.
Elle ne pèse pas grand chose dans ce projet, mais pour moi elle représente tout.
Ses platanes sous sa fenêtre l’ont accompagnée, ils ont salué les départs définitifs, les arrivées joyeuses des baptêmes et des mariages, les corbeilles pleines de beignets. Il fut un temps où sur les quais à la faveur des vrais étés, chacun tirait sa chaise sous les arbres, les dames sur leur ouvrage et les hommes lisant leur journal.
On discutait entre voisins, le quai ne connaissait pas alors cette satanée plaie automobile.
Cette dame a connu le tram, un tram d’une seule voie et le chien de la maison qui, invariablement se couchait sur les rails, houspillé par le watman qui n’hésitait pas à descendre de sa machine. Toute une époque révolue où les vrais orages zébraient l’été et agitaient les arbres…
Ces arbres constituent depuis le début de son temps, un rempart et un refuge, le défilement des saisons la mettant à l’abri des rumeurs de la ville. Tant d’oiseaux étourdis échappés des feuillages y ont trouvé refuge.
La perte de son environnement va accélérer le terme de sa vie, et je serai à ses côtés au moment de l’abattage des arbres, de peur qu’elle ne soit prise de faiblesse. Mais c’est une dame courageuse, qui a vécu son lot de drames et elle veut bien faire un bout de chemin encore et pourquoi pas elle me l’a dit, que sa vie lui permettre de faire un tour de ce fichu tram.
Mais je vois son regard quand elle suit les engins qui passent sous ses fenêtres « ils vont couper nos arbres, casser notre quai » et je sens qu’elle tremble en dedans, si fragile que promesses insensées me viennent, que oui malgré mon impuissance, je veux la protéger.
Ils disent que la voie entre la rue Marulaz et le pont Battant est trop étroite pour effectuer une replantation d’arbres, elle est cependant assez large pour faire passer deux trams, alors de grâce, quelques mètres encore s’il vous plait, juste quelques mètres, qu’après cette désolation et ce massacre de notre patrimoine, elle voit un tronc s’élever, des racines s’installer et un bouquet de feuilles nouvelles s’agiter dans le vent.
À propos de ce texte…
Ce texte que vous venez de lire n’est pas de moi. Il s’agit d’un commentaire laissé par une personne anonyme ce vendredi soir. Il m’a beaucoup touché. Je le trouve magnifiquement écrit et je remercie son auteur de me l’avoir confié.
Je l’ai pris comme un cadeau. De ce genre de cadeau que l’on se doit de partager. J’ai donc pensé que ces mots méritaient d’être lus de chacun… Je les ai juste illustrés de cette carte postale ancienne du quai Veil Picard.
J’adresse une pensée très affectueuse à cette dame qui a connu tant de saisons sur ce quai… Sur son quai.
Hello,
J’adore. Est-ce qu’on peut reprendre le texte pour notre rubriqque lieuxdits :
http://www.streetinterview.net/lieux-dits/
Je vous laisse regarder mais ça irait super bien avec le reste.
PS : et si vous avez une idée de street interview, ça pourrait être cool aussi http://www.streetinterview.net/category/interviews/
Très bonne idée ce site « lieux dits » et titre bien choisi. Je pense que vous pouvez reprendre mais faites svp un lien vers le commentaire originel que l’on retrouve le contexte. MErci
Royal, merci beaucoup !
Evidemment on fera les liens qui vont bien.
Je reviens mardi dès que c’est en ligne.
Voilà c’est en ligne
http://www.streetinterview.net/lieux-dits/juste-quelques-metres-besancon-france/
Si vous souhaitez des modifications, faites-nous signe.
Merci beaucoup pour ce beau texte.
Valéry
PS: si vous souhaitez faire une street interview ou ajouter votre lieu-dit, vous avez mon mail
Très émouvant .. En lisant ce récit, on se sent vivre cette époque en l’espace de quelques minutes. Tram, pas tram, arbres ou pas, c’est toujours difficile de perdre les repères d’une vie.
Cette lettre est véritablement émouvante, mais ce serait dommage qu’à son âge encore vert elle reste dans la nostalgie.Bien sûr, ce ne seront plus des platanes, mais des tilleuls,essence bien plus parfumée que les platanes.Mais surtout elle pourra bénéficier juste au bas de chez elle un transport bien plus adapté aux maux du grand âge que ce qui existe aujourd’hui.
Donc merci à « Léon et Camille » pour les belles heures passées, et vive leurs « rejetons » du futur
Cette dame n’aura plus d’arbres en face de chez elle, rien de replanté sur cette portion du quai, et ce tram adapté à son grand âge, il ne fera que de passer le long du quai dans les deux sens, avec ses bruits caractéristiques, ses vibrations jusque tard dans la nuit(au moins les bagnoles se calmaient à partir de 20 heures)le prendre pour aller où? elle avait ses bus à portée de main, à présent elle est privée de toutes ses destinations que le tram ne prendra pas, elle aura les nuisances de la station de tram les papiers gras à la place des feuilles, un trottoir étroit qui ne va pas la rassurer, de la nostalgie oui bien sûr quand d’un coup de tronçonneuse, on éradique méchamment le cadre de tout une vie pour un reste de vie compté. Je crois par dessus tout qu’elle est en colère, car avec toute son expérience, elle sait que c’est un projet vaniteux et futile, qui s’est affranchi de toutes les règles qu’elle a toujours respecté, de tout bon sens qu’elle a en masse,elle sait que c’est un massacre patrimonial indélébile pour un résultat médiocre et non rentable, elles voudrait un jour que ces responsables aient à en répondre, elle sait que des solutions peu couteuses et moins spectaculaires auraient suffi, elle sait que son patrimoine à elle, qu’elle n’a volé à personne et qu’elle a entretenu avec amour va se déprécier, et elle sait que chaque matin, elle cherchera ses arbres,elle souhaite que ce chantier qui à présent va lui pourrir la vie connaisse les pires difficultés et avaries, elle a décidé de mettre des rideaux.Elle ne se plaint pas et est plutôt rebelle et je vous souhaite d’avoir sa force car moi j’ai pleuré aujourd’hui