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Besançon, l’automne et les langues qui pendent

Ça fait un bail que je me retiens. Un bail que je reste silencieux. Que je passe tout droit sans m’attarder en évitant de poser mon regard sur « ces choses« .

Dans ce genre de situation – vous savez – on regarde le sol ou l’horizon. On évite d’y attacher trop d’importance.
On ignore et on passe en se disant : « D’abord ce n’est pas pour moi. D’abord je ne regarderai pas. »
Et puis au fond, ça ne dure que quelques semaines. En plus il fait nuit tôt fin octobre. Dans l’obscurité on les remarque moins.

Cependant… je me rappelle… C’était il y a deux ans : la place Marulaz en était envahie. Chaque recoin était colonisé.
Même la nuit, sous les néons des réverbères, on ne pouvait pas les manquer : au pied de la fontaine, dans la fontaine, sur la fontaine, au bord de la rue, sur les escaliers – il y en avait partout.
D’ailleurs, on ne pouvait plus s’en approcher de la fontaine. La pauvre était littéralement condamnée. C’était un crève-cœur de la voir ainsi colonisée, noyée, enchevêtrée, étouffée…

[quote]… Marulaz ! Marulaz outragée ! Marulaz brisée ![/quote]

… mais Marulaz libérée – quelques semaines plus tard. Ouf !

Retour en 2011 : l’automne s’installe et comme chaque année à l’approche de la Toussaint, les « choses » ont envahi la ville. Petit à petit. Insidieusement. Une petite place par-ci, un mignon rond-point par-là… On ne se sent plus vraiment chez soi.

Alors j’ai grommelé, j’ai persiflé, j’ai protesté, comme chaque fois. Mais uniquement dans l’intimité. En famille. Dans mon cercle privé comme on dit.

En public je suis resté plutôt discret.
Par respect pour le travail effectué et pour ceux qui apprécient ça. Car c’est une question de goût n’est-ce pas ?

Mais voilà

Ce soir j’ai ouvert mon BVV ((magazine municipal « Besançon Votre Ville »)), j’en ai parcouru le sommaire et j’ai vu qu’un article leur était consacré page 14.
J’ai lu. J’aurais pas dû :

— Pardon ? Pardon ?


— Vous dites ?


— Hein ? Quoi ?


Ce toujours est bien embêtant car il ne nous laisse pas le choix voyez-vous. Il veut tout englober. Tout le monde et tout le temps.

C’est un toujours consensuel. Un toujoursqui relève l’existence d’un accord tacite. Et tout ça sur le ton de l’évidence. Ce “toujours” s’impose à tous. Tout comme ce fleurissement général”.

En bref : « le fleurissement d’automne est très apprécié – chaque année et par tous – et voilà c’est dit, c’est comme ça, on le sait… »

Bien bien… soit.
Alors puisque que ce fleurissement général est en partie (si si en toute petite partie) financé par mes impôts et qu’il concerne MA ville… eh bien cette année c’est décidé : je lève les yeux et je l’ouvre.
Ce qui va suivre va être très subjectif et différera quelque peu du traitement que la presse réserve habituellement aux meeeeeeerveilleuses compositions florales d’automne de notre bonne ville : l’Est Républicain, Macommune.info.

Ici c’est un blog. Vous voilà prévenus.

On peut !

Oui on peut dire que l’on n’aime pas. Même pas du tout. Ça ne met pas en cause le temps et l’énergie qu’on dépensé les équipes de jardiniers de la Ville. Car ils travaillent, c’est clair. A quatre pattes au milieu des massifs à passer des jours entiers à fignoler leurs compositions.

Mais voilà. Moi je déteste le résultat et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

Chaque année c’est le même scénario : avalanche de chrysanthèmes sur la ville. Et afin de débarrasser ces fleurs de leur connotation funéraire, on évite de les présenter bien droites – alignées comme des petits soldats – dans des jardinières de cimetière.
Alors on les assemble par centaines, voire par milliers. On en plante le plus possible sur chaque espace disponible. Par couches, par strates, en volume, en se lâchant sur les formes, sur les assemblages, en y ajoutant quelques choux (ornementaux) ou du bois, de la toile, des bidules, des machins, que sais-je…
Partout ça grimpe, ça tombe, ça fait des vagues, des plis.

Et les couleurs ? Du jaune, de l’orange, du mauve, du rouge, du blanc… mais avec toujours cette texture funéraire si gaie et tellement indissociable des chrysanthèmes. Malgré tout.

A l’arrivée c’est un mariage forcé de couleurs. De coulures devrait-on dire tant ça dégouline et ça déborde de tous côtés.
Il y a de l’entassement plus que de l’harmonie. Et l’impression étrange que tout cela a été façonné dans de la pâte à modeler. Pas avec des fleurs. Quel dommage !

En 2011 la tendance est aux “langues qui pendent”. Et les langues en question sont bien chargées… faudrait consulter.

Zut quoi !

C’est chouette l’automne non ? Les couleurs sont déjà là, sur les arbres et le sol. Elles sont magnifiques ! Alors pourquoi les parasiter sans finesse avec ces chrysanthèmes aux couleurs fades ? Pourquoi en faire des tonnes ?
Au final, l’effet est le même que celui d’un maquillage outrancier sur un joli visage. Au mieux ça gâche. Au pire ça enlaidit.
Nausée.

Bref.  Notre fleurissement d’automne est aux antipodes du minimalisme et de l’harmonie des jardins japonais. Et sans vouloir imiter les nippons qui ont su porter le jardin au rang d’art, il y aurait peut-être moyen de trouver une voie médiane, un chemin vers le bon goût et la nuance, non ?

Et ça plaît ?

Oui ça plaît, à certains. Et ça déplaît à d’autres. J’ai lancé un petit sondage il y a environ une semaine. Il n’a sans doute pas une grande valeur mais il montre au 1er novembre les résultats ci-contre. Le nombre de réponses augmentera sans doute avec ce billet.
Vous pouvez d’ailleurs répondre à ce sondage en vous rendant sur cette page.

Pour l’instant, une majorité de « sondés » apprécie les compositions florales d’automne. En en parlant autour de moi, pas de doute : les plus âgés sont les meilleurs clients de ces petites merveilles. Les jeunes beaucoup moins.

Une certitude : ce n’est pas « toujours très apprécié » contrairement à la version officielle du BVV. Je ne suis pas un « cas isolé ».

Aux gens qui me connaissent : svp, le jour où vous me voyez me pâmer devant ce sublime flétrissement fleurissement automnal, merci de me rappeler que je n’aimais pas du tout ça quand j’étais encore « un peu jeune » et qu’il serait tant que je me ressaisisse.
J’ai trop la trouille de l’étape suivante : apprécier André Rieu – sa vie, son œuvre.
Faut dire que dans son genre, ce musicien monsieur est également un spécialiste de l’entassement et pas de l’harmonie, de la coulure et pas de la couleur, etc.

De là à parler d’André Rieu floral…

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