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Poutinisation aiguë à la tête du Conseil général du Jura

La semaine dernière, l’hebdomadaire la Voix du Jura publiait le « projet confidentiel de la nouvelle carte électorale élaboré par le président du conseil général, dans le cadre de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires, qui prévoit la refonte de la carte des cantons dans chaque département. »
(vous pouvez respirer)

Dans son dernier numéro, la Voix du Jura révèle que la publication de ce document lui a valu quelques déboires avec le président du Conseil général du Jura, Christophe Perny.

Tout aurait commencé par des pressions en amont :

Christophe Perny avait fait savoir, la veille [de la publication], au journaliste, via son cabinet, qu’il cesserait dans ce cas-là « toutes relations » avec notre journal.

Puis, dès le lendemain, la sanction :

(…) après parution, la directrice de cabinet informant le journal que les contrats publicitaires en cours étaient rompus.

L’article de la Voix du Jura :

 

article-voix-du-jura

 

Voilà donc un hebdomadaire jurassien sanctionné pour un billet ayant déplu au président du Conseil général du département.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Christophe Perny s’attaque – au moins verbalement –  à la presse quotidienne de son département. Généralement, c’est sur son mur Facebook – accessible à tous – qu’il se défoule de préférence sur le ton du mépris.
Ses publications y sont d’ailleurs parfois tellement navrantes que j’ai longtemps cru à un faux compte Facebook parodique. Pourtant non…

Le 19 avril dernier par exemple :

perny-facebook

 

Une publication accompagnée de cette illustration :

journalisme-nuls

 

Et puis le même jour (il était très énervé ce jour-là, Christophe Perny) :

perny-progres

 

Encore le 19 avril, c’est pour la presse nationale cette fois (on a visiblement frôlé la crise de nerfs) :

presse-perny

 

Heureusement, quelques jours plus tard, c’était la Journée Internationale de la Liberté de la Presse.
Ce jour-là, le président du Conseil général du Jura, rendit hommage – à sa façon – aux journalistes. Y compris ceux de la presse « locale ».

perny-liberte-de-la-presse

Avec la jolie photo qui va bien.

affiche-liberte-presse

Ce jour-là, quelques journalistes jurassiens s’étranglèrent d’un rire nerveux.

Mais revenons à cette formule :

« J’ai pour eux et leur profession un profond respect »

Cette affirmation est elle encore crédible après ce dernier fait d’armes du président du Conseil général du Jura ? Peut-il encore proclamer son attachement à la presse et à sa légitime liberté ET punir quelques mois plus tard, par la rupture des contrats publicitaires en cours, un hebdomadaire qui a refusé de censurer l’un de ces articles ?
Au passage, rappelons que ces contrats sont financés avec de l’argent public.

Voilà encore une fois soulevée la question de l’indépendance éditoriale de la presse vis à vis de ses annonceurs ; des pressions que ceux-ci peuvent être tentés d’exercer directement sur les organes de presse. Mais également de l’autocensure que ces derniers peuvent s’appliquer pour ne pas risquer de froisser ceux qui contribuent pour une large part à leur financement.

À Besançon notamment, que ferait notre presse locale écrite, en ligne et radiophonique face à une polémique en lien avec le chantier du Tramway ? Imaginons par exemple une polémique au départ pas forcément excitante mais à laquelle la réponse officielle apportée serait prise en flagrant délit de mensonge. La presse locale l’évoquerait-elle ? Prendrait-elle le risque de froisser un annonceur généreux en encarts publicitaires papier pour les uns, en article publi-informatifs pour les autres et en annonces radiophoniques pour les derniers ? Devinez…

Revenons à notre cas jurassien. Dans une période où la presse écrite s’interroge sur sa survie économique, il nous offre le bel et triste exemple d’une situation certes anecdotique mais néanmoins inadmissible : un élu n’a pas à faire de chantage pernicieux (sans jeu de mots) à la presse pour la mettre au pas. A fortiori avec l’argent public.

Vladimir ! Sors de ce corps. Tu me rappelles le Schtroumpfissime tiens…

Schtroumpfissime-1

En décembre 2012, le site d’information en ligne Dijonscope, aujourd’hui disparu, s’était retrouvé écarté des listes de diffusion et autres invitations du Conseil général de Côte d’Or. Une manière de lui faire payer le contenu de certains billets. Quelques temps plus tard, constatant que son mode « tout gratuit financé par la pub » n’était pas compatible avec ses prétentions d’indépendance éditoriale, Dijonscope se lança dans l’aventure du financement par ses abonnés.

Une expérience qui s’arrêta en mai 2013 sans jamais avoir pu atteindre le nombre d’abonnés suffisant à son financement et à sa survie… sans publicité.