— Monsieur Teint !
— Ah ! Bonjour Madame Durand !
— Bonjour Monsieur Teint. Excusez-moi de vous importuner mais vous pourrez peut-être m’aider. Voilà, j’ai reçu une lettre de la mairie et je ne comprends pas tout. Mes vieux yeux y sont sans doute pour quelque chose mais c’est surtout qu’il y a des phrases bizarres…
— Si je peux vous être utile Mme Durand… Faites-moi voir cette lettre…
— Vous étiez tout de même au courant des travaux qui vont commencer au 6 rue de la Madeleine ?
— Oui oui. Ça j’ai bien compris et je sais que ça ne va pas tarder. Le chantier et tout ça. C’est la suite qui m’échappe. J’ai surligné certains passages. Là voyez, ils écrivent :
Le projet initial prévoyait le maintien du sujet végétal majestueux dans la grande cour.
Néanmoins, un diagnostic mené par l’ONF a démontré la présence de champignons créant un risque de rupture.
Compte tenu de ce diagnostic, il sera donc finalement abattu et remplacé par un nouveau sujet d’envergure qui pourra s’épanouir et recréer une ambiance végétale unique dans cet espace privilégié du quartier Battant.
— En effet, c’est alambiqué… Mais je pense qu’on peut le dire plus simplement, sans tourner autour du pot. Tenez :
Le projet que l’on vous a présenté promettait de conserver le grand et magnifique arbre qui est dans la grande cour.
Néanmoins, un diagnostic mené par l’ONF a démontré la présence de champignons qui vont grandement faciliter les affaires du promoteur de ce projet immobilier. Promoteur pour qui cette saloperie d’arbre était sans doute une vraie plaie en plein milieu de son chantier avec tous les engins qui vont devoir y circuler pour construire au plus vite ces immeubles qui vont lui rapporter plein de pognon.
Compte tenu de ce diagnostic et de ces intérêts qu’il convient de satisfaire, l’arbre sera donc finalement abattu et remplacé par un arbuste qui grandira lui aussi, si si. Et dans 50 ans vous verrez ça aura de la gueule.
— Alors ils vont le couper notre grand arbre… Comme son voisin le conifère qu’on savait déjà condamné. Et ils nous préviennent la veille évidemment…
— Oui Madame Durand… Il ne faut pas laisser aux riverains le temps de pétitionner, vous pensez bien.
— Vous le connaissez M.Teint ce dicton : « Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage » ?
— Oui Mme Durand. La rage ou bien… des champignons n’est-ce pas ?
Madame Durand m’a rappelé en fin d’après-midi. Le conifère a été débité aujourd’hui.
Son voisin, le « sujet végétal majestueux » dont on avait promis le « maintien » aux riverains de la cour. Son voisin attend maintenant son tour.
Au passage si vous aviez flashé sur cette image bucolique et arborée quand vous avez réservé l’un des futurs appartements du Clos Chapelaine (ah, ces petits noms ruraux pour sonner rustique), il va falloir vous faire une raison : vous avez acheté un grand et magnifique arbre mort.
Et le lendemain :
C’est partout la même chose! Je le traduirai pour mes amis « activistes » écolos panaméens. Ca les consolera un peu, peut-être. Par chance, je n’ai pas choisi de vivre au Centre Ville, ils ne viendront pas m’embêter pour mes cerisiers… mais c’est plus dur de se déplacer au boulot en vélo!
Pas de souci ! L’expert de l’ONF préconise l’abattage du Tilleul (voir document)… or il n’y en a pas un dans la cour.
Pour info, l’abattage du Pin sylvestre était prévu depuis le début. Quant à l’arbre majestueux, ce sont en fait deux érables (un plane et un sycomore) entremêlés.
après le chancre, les champignons
on en vient à se demander qui est le malade dans cette histoire
après les arbres, ce sont des termites qu’ils vont trouver dans les vieilles maisons qu’ils voudront abattre
après les belles pierres, le béton
je leur souhaite de belles maladies de peau, que ça les gratte un peu aussi!
Comme par hasard…
Mais ils ont vraiment un problème avec les arbres dans cette ville, ça confine à la phobie !