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Un article qui jette le trouble…

Jeudi 4 novembre, en début de soirée, le site d’information Macommune.info bien connu des Bisontins a publié un article tout à fait troublant.
Voici son titre :

Besançon: une agression raciste sur le chantier du tramway ?

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Un article qui trouble par son contenu

Le témoignage rapporté au style indirect d’un homme qui dit avoir assisté à l’agression d’un « homme de couleur » (formulation employée dans l’article) par ses collègues de travail sur un chantier bisontin.

Des photos illustrent l’article. Elles ont été prises par le témoin en question. On y voit trois hommes en habits de chantier dont l’un est étendu sur le sol. Un troisième homme « en habits de ville » est également présent. La scène est confuse et pourrait être interprétée de nombreuses manières. Tous les visages sont floutés ainsi que le nom de l’entreprise sur la baraque de chantier, en arrière plan.
L’article précise que le témoin a interpelé les hommes qui auraient évoqué un amusement à l’heure de la pause de midi.

D’après Macommune.info, le témoin aurait également alerté le Maire de la ville par courrier en évoquant « une agression gratuite (raciste, bizutage…) sur un homme de couleur très choqué après l’agression ».

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Un article qui trouble
également par sa forme :

Les faits sont rapportés par un témoin mais aucune mention n’est faite d’une quelconque enquête journalistique visant à confirmer ou infirmer les faits ;

Ce dernier point n’a d’ailleurs pas échappé à plusieurs lecteurs de l’article qui le manifestent dans leurs commentaires :

Le boulot de journaliste ne se limite pas à publier des photos, il aurait peut-être fallu enquêter et publier les résultats de cette enquête non ?

Manque de sérieux, et cela donne l’impression d’une info de blog! Pour l’audience les journalistes sont décidément prêt à tout!

Il me semble qu’on est quand même bien proche de la diffamation…

La rédaction de Macommune écarte ce risque dans un commentaire en réponse à ceux qui précédent (et à d’autres) :

(…) Si les dires du témoin sur le déroulement de la scène ne se vérifient pas, personne n’aura été mis en cause. Ni les acteurs de la scène, ni le nom de l’entreprise ne sont identifiables sur les photos publiées. (…)

Et pourtant… si les visages et le nom de l’entreprise ont effectivement été floutés, cette précaution est réduite à néant par la localisation des faits qui est donnée avec précision dans l’article.

De plus, ce chantier se trouve près d’une avenue très fréquentée et à proximité d’un quartier de grands immeubles. Chaque lecteur de Macommune.info habitant à proximité ou y passant régulièrement peut très facilement, maintenant qu’il connaît l’adresse, repérer la baraque de chantier, lire le nom de la société et apercevoir les ouvriers qui y travaillent
Ce vendredi, je n’ai eu aucune difficulté à retrouver l’endroit tant les informations données dans l’article étaient précises. Aucun ouvrier à ce moment-là mais le nom et les coordonnées de l’entreprise parfaitement lisibles sur la baraque de chantier. Impossible de les manquer.
Donc si les dires du témoin ne se vérifient pas, les protagonistes, à l’instar de l’entreprise auront clairement été mis en cause. Les précautions protégeant leur identité étant insuffisantes.

J’ai pris cette photographie ce vendredi 5/11 vers 17h15. Le nom de la société est masqué de bleu.

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Un article qui trouble aussi dans l’interprétation qu’il donne des faits :

Le titre tout d’abord, racoleur accrocheur et effrayant mais délicieusement ponctué d’un point d’interrogation qui semble nous susurrer à l’oreille : « ce qu’on vous raconte ici est très grave mais on n’en est pas sûrs, donc si vous y croyez à tort, on n’y est pour rien. »

Pourquoi ensuite mettre en avant l’hypothèse raciste sous prétexte que l’homme prétendument agressé était noir (oui j’ose l’écrire) ? L’agression supposée n’est-elle pas déjà en soi inacceptable ? Si racisme avéré il y a, il constitue évidemment une circonstance aggravante ; mais faut-il tout de suite chercher à interpréter cette violence ? Le fameux témoin a-t-il entendu des mots, des injures qui vont dans le sens de cette interprétation et qui constitueraient sinon des preuves, au moins des indices ? Nous n’en saurons rien. L’article ne le précise pas.

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Alors pourquoi cet article sur ce site d’information local ?

Pour informer ?

Dès le titre, on nous parle du chantier du tramway ? C’est un détail mais personne n’a vérifié la nature réelle de ce chantier… qui n’a semble-t-il rien à voir avec le tram mais vise à la rénovation du réseau d’assainissement en lien avec la future caserne de pompiers…

Plus sérieusement, si l’intention avait été d’informer, pourquoi ne pas avoir cherché à vérifier la véracité de ces faits en tentant d’interroger les ouvriers ou en appelant l’entreprise qui les emploie ? Un journaliste n’est-il pas tenu de vérifier l’information qu’il donne ?

Quand certains journalistes se comportent comme des blogueurs ça donne furieusement envie aux blogueurs de jouer les journalistes… vis ma vie quoi !
J’ai donc osé appeler l’entreprise en question dont les coordonnées se trouvaient à l’endroit indiqué par Macommune.info.
Le responsable de la communication auquel j’ai pu parler est tombé des nues. Il n’avait pas encore entendu parler de cet article et l’a découvert pendant notre conversation. Aucun journaliste ne l’avait encore contacté.
Il m’a fait savoir que sa société se réservait le droit de porter plainte pour diffamation et n’a pas souhaité s’exprimer (surtout au téléphone) sur la scène troublante que l’on voit sur les photos. A suivre donc.

Un article pour dénoncer ?

Cette hypothèse semble la plus probable. D’ailleurs, voici la fin du commentaire publié par la rédaction de Macommune.info et que j’ai cité partiellement plus haut :

En revanche, s’il s’avère que cet acte est réellement raciste, nous aurons contribué à alerter les autorités compétentes. La balle est désormais dans leur camp. Elles se doivent de vérifier ce qui s’est réellement passé.

Tiens, je pensais que c’était aussi le rôle d’un journaliste que de vérifier ce qui s’est réellement passé… avant de publier.

Quant à ce fameux témoin n’aurait-il pas dû alerter directement la police lorsqu’il a assisté à ces faits plutôt que d’adresser son témoignage et ses photos à d’innombrables correspondants potentiellement intéressés ?

Photographier une agression supposée au lieu de prévenir les forces de l’ordre ne constitue-t-il pas un comportement de non assistance à personne en danger ?
Si enquête des « autorités compétentes » il y a, ne sera-t-elle pas faussée par les éléments déjà diffusés par ce site d’information ?

En définitive, n’assistons-nous pas ici à deux dérives inquiétantes ?

  • la dérive d’une certaine presse qui, pressentant le scoop à portée de clic, publie et interprète des information sans en vérifier l’authenticité et ne se soucie pas non plus des éventuels « dommages collatéraux » qu’elle peut causer ;
  • la dérive d’une forme de dénonciation citoyenne utilisant courriels et clichés numériques pour satisfaire son besoin de reconnaissance médiatique.

Pour information se trouve sur cette page la Charte des devoirs professionnels des journalistes français. Extraits :

Un journaliste digne de ce nom :

  • prend la responsabilité de tous ses écrits, même anonymes ;
  • tient la calomnie, les accusations sans preuves, l’altération des documents, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles ;
  • ne confond pas son rôle avec celui du policier.

Youtubalgique

Ça m’est arrivé sans signe annonciateur alors que j’avais délaissé mon ordinateur, Twitter et toute la bande depuis un long moment déjà.
Nous étions en fin de soirée et je m’étais affalé sur le canapé devant la télé pour y regarder Sagan, film que l’on diffusait sur Arte ce soir-là.

L’histoire était déjà bien avancée et la pauvre Françoise, magnifiquement interprétée par Sylvie Testud, déclinait à vue d’œil. La fin du film allait à l’évidence coïncider avec celle du personnage principal et ce dénouement semblait imminent.

Oui mais voilà. Je commençais à penser très affectueusement à mon lit, et Sagan, de son côté, s’accrochait égoïstement à la vie, sans se soucier de moi.
Je craignais aussi qu’un nouveau flash-back viennent perturber Chronos et nous redonne à voir de la jeunesse hyperactive de l’héroïne (private joke…).

Bref, tout cela aurait pu se terminer fort tard et j’avais besoin de savoir si je pourrais rester éveillé jusqu’au bout. Alors encore long ce film ?
Il faut vous dire que j’étais trop bien installé sur mon canapé pour trouver le courage de fureter dans mon magazine télé. Trop pépère pour atteindre l’ordinateur et chercher les horaires du film sur le Net. Je n’y ai même pas songé.

Et c’est à ce moment que cela m’est arrivé

Ce fut un réflexe, un geste absurde. J’ai honte.
Mon regard a furtivement quitté l’écran pour descendre et se poser là, entre le pied de ma télé et le meuble sur lequel elle est installée.

Et voilà ce que mes yeux y ont furtivement cherché :

Oh ! Ça n’a duré qu’un quart de seconde. Un laps de temps très court mais juste assez pour déclencher en moi de grosses inquiétudes. Et si je devenais fou ?

Confondre ma télé avec Youtube, voilà qui est un peu fort ! J’avais certes passé du temps à consulter des vidéos sur le Net depuis la veille,  notamment pour écrire le billet précédent mais bon… tout de même… hein ? quoi ? C’est grave ?

Premier réflexe : contacter le Doc

The Doc. Celui que tout le monde connaît pour le voir fréquemment à la télé. Un Doc barbu toujours jovial avec nœuds papillons et vestes colorés.
J’ai nommé Jean-Daniel Flaysakier.
Ça tombe bien, Jean-Noël est sur Twitter et vient précisément d’y gazouiller une boutade drôle et acerbe de son cru.
Je me lance et m’adresse tout de go au praticien cathodique :

@jdflaysakier J’ai regardé sous ma télé pour voir où en était la barre de défilement du film que je regardais. Grave Docteur ? Youtubalgie ? (ici)

Youtubalgie, ce mot m’était venu comme une évidence. Je ne suis pas médecin mais étant le découvreur de ce nouveau mal, c’est bien à moi de le baptiser non?
Donc Doc ?? Hein ? Hé ! Help !

Mais Doc Flaysakier n’a pas répondu.

Trop occupé à mitonner ses bons mots, il en avait oublié Hippocrate, le devoir d’assistance, l’abnégation et toutes ces choses qui sonnent tellement XXe siècle (Hippocrate c’est encore plus vieux vous dites ?)
J’aurais pu lui décocher un tweet vengeur afin de lui rappeler que MA redevance lui offrait ses nœuds pap’. Que s’il souriait tout le temps quand il passait dans MA télé, c’était sans doute parce qu’il s’y trouvait bien et qu’il ne tenait qu’à MOI qu’il y reste ! Un coup de zappette et pfff !

Je décidai alors de m’adresser à un praticien du terrain. Un vrai

Du genre qui se montre attentif à ses patients et qui n’a pas troqué sa blouse blanche contre des oripeaux plus télégéniques.
Vite ! Dans la poche de ma veste : le dépliant pris dans la salle d’attente de mon toubib, l’autre jour, avec le numéro unique des médecins de garde.  Mon téléphone. Je numérote.
Ça sonne…
Je vais dire quoi ? Que j’ai abusé d’Internet ? Que j’ai pris ma télé pour mon ordi et Sagan pour une vidéo de Youtube ?

Un message pré-enregistré pour me faire patienter...

J’attends ?…  je raccroche ?… j’attends ?… je raccroche ?… j’att… ÇA DÉCROCHE !

Bonsoir. Permanence des médecins de garde de Besançon, Dr Jeannin. Je vous écoute.

– Oui euh… bonsoir madame (c’est une madame).

– Oui, monsieur, en quoi puis-je vous aider ?

Je suis mal. Comment lui dire ? En fait je n’ai mal nulle part. J’ai seulement très peur de devenir cinglé. J’ai trop abusé du Net et tout ça. Je me virtualise ! J’ai besoin d’en parler. D’être rassuré. Un médecin ça ne se moque pas. J’y vais.

– Voilà Docteur, j’ai vu  le film sur Françoise Sagan à la télé toute à l’heure avec Sylvie Testud et comme ça durait longtemps parce qu’il y avait des retours comme ça dans sa vie et bien ça n’en finissait pas alors que moi j’avais sommeil j’ai voulu savoir combien de temps ça durerait encore et au lieu d’ouvrir Télérama hé bah j’ai regardé sous ma télé oh ! pas longtemps mais tout de même un tout petit instant et vous allez peut être rire mais quand j’ai regardé sous ma télé bah… je m’attendais à y voir la barre de défilement de Youtube quoi. Voilà. Je pense à une youtubalgie. Et vous ?

Silence.
Pas longtemps mais assez pour me sentir ridicule. Et puis, assez vite, le frottement d’une main contre le micro du téléphone et quelques mots inaudibles échangés entre deux personnes.
Et à nouveau la voix :

– Monsieur, les symptômes que vous décrivez-là sont assez inquiétants.

– Ah ? Mais je n’ai pas mal c’est juste que…

– Oui oui j’ai bien compris mais vous allez être rapidement pris en charge afin…

– Me prendre en charge ? Mais…

– Une ambulance va venir vous chercher. Comment vous appelez-vous monsieur et où vous trouvez-vous ?

Panique

– Mais une ambulance pour quoi faire ?

– Pour vous transporter jusqu’au bloc opératoire afin d’y pratiquer au plus vite une youtubectomie.

– Hein ? Quoi ?

Le fou rire qui me parvint alors était à peine masqué, tout comme les éclats de voix qui s’ensuivirent. Je venais de passer pour un parfait abrutis.
Rouge de honte, je raccrochai illico.

Et c’est à ce moment précis que j’ai eu cette idée ridicule


É

Premier cri

Le jour où les progrès de la technologie nous offrirons la possibilité d’écrire du texte, à l’aide d’un objet simple que l’on tient dans la main, sur une surface légère, pliable, effaçable voire déchirable ; ce jour-là, c’est promis, je m’y mettrai.

En attendant cette révélation révolution prochaine, c’est par le biais de ce blog que je déverserai mes mots avec parcimonie dans le vaste monde. Non pas pour y raconter ma vie (ou si peu) mais pour m’y montrer parfois partagiste, souvent humeuriste, quelquefois poilàgrattiste.

A suivre…