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Nu et en tongs devant un écran noir, ou comment j’ai loupé les JO

Tout va bien. Je suis à poil devant la télé et je regarde un écran noir.

Et tout ça parce que j’ai voulu jouer le jeu en regardant « les Jeux ». Que c’est pathétique tout ça…
Seule consolation : je ne suis pas tout à fait nu. J’ai gardé mes tongs. L’honneur est sauf.

Il faut vous dire que j’ai totalement squeezé la première semaine des Jeux Olympiques de Londres, la cérémonie d’ouverture et tout le tintouin.
Vacances obligent, j’étais loin et pour tout vous dire, ce n’était pas plus mal. Mais voilà, le retour à la réalité, les retrouvailles avec la télé et avec ma connexion Internet m’ont ouvert toute grande la lucarne olympique.
À moi nageurs bioniques, cent-mètriers supersoniques, lanceuses de marteau délicates et autres Amazones si joliment bombées du haut et équidées du bas !
Enfin ça, c’est ce que je croyais. C’était sans compter sur la bonne volonté du CIO.

De mon lieu de villégiature j’avais bien perçu des bribes de cette polémique grotesque en provenance de Londres. On y parlait de la marque Pepsi dont le simple fait d’arborer le logo sur un T-shirt vous expose à une expulsion immédiate des sites olympiques.
C’est ainsi. Parmi les marques de sodas diabétogènes, seul Coca Cola a droit de cité à Olympolis-sur-Tamise. Un monopole acheté à coup de millions de livres.
On appelle ça un « partenaire officiel » et visiblement le CIO a une vision très extensible de la notion de préférence partenariale. Mais rien de nouveau sous le soleil le brouillard de Londres.

J’avais personnellement fait l’expérience de la philosophie « gros sous » made in CIO l’année dernière, lors d’une visite de la très helvétique Lausanne. C’est dans cette ville proprette, au bord du lac Léman, que se trouve le siège du CIO et son Musée Olympique.
Dans ce temple consacré à la performance sportive, j’avais eu la surprise d’apercevoir ces charmantes affichettes disposées aux endroits stratégiques où l’on trouve quelque chose à acheter (accueil, restaurant, boutique du musée…).


Le coup du « On ne prend pas la carte bleue », on l’a tous vécu. Mais là c’est plus vicieux : « On ne prend QUE la carte VISA ».
Sans doute pourrions nous traduire le délicat :

« EN RECONNAISSANCE DU SOUTIEN DE VISA POUR LES JEUX OLYMPIQUES, NOUS N’ACCEPTONS QUE LES CARTES VISA »

… par un plus explicite :

« C’EST VISA QUI NOUS A DONNÉ LE PLUS DE PÉPETTES
VOTRE MASTERCARD PEUT TOUJOURS SERVIR DE RACLETTE À GIVRE »

Pour les couillons (comme moi) qui n’ont qu’une MASTERCARD dans la poche, il ne reste alors que deux solutions :

  • s’épargner la visite du Musée Olympique de Lausanne, son bar, son resto et sa boutique pourtant fort bien achalandée ;
  • payer en Francs suisses sonnants et trébuchants que l’on aura préalablement retirés au distributeur au fond à gauche. Lequel distributeur n’accepte bien évidemment… que les cartes VISA.
Franz Kafka partenaire officiel des Jeux Olympiques…

Bref, me voici donc de retour de vacances. Un fauteuil, une bière, quelques victuailles, ma télécommande… Promesses d’un bonheur simple. J’appuie sur le 2 et… rien. Ou plutôt si : un message qui s’affiche en lettres rouges sur fond blanc. C’est le CIO qui me parle :

Punaise ! Ça m’apprendra tiens ! Une « télé connectée » qu’ils disaient. À la pointe de la technologie, interactive, bardée de capteurs et tout ça… Et voilà que je dois lui causer maintenant à ma télé !
Je m’exécute, solennel :

« Je m’y engage »

Et là, je crois rêver :

Dans un premier temps j’ai bien failli éclater de rire. Puis comprenant que c’était le prix à payer pour assister aux JO peinard devant ma p**** de télé, je me résous à m’agenouiller devant l’écran et à le gratifier de mon haleine embiérée – non sans avoir fermé la porte d’entrée à clé. Pas trop envie d’être surpris dans cette position ridicule.

Mais voilà :

Non mais l’autre ! Dingue quoi ! Je me sirote une petite Leffe tranquille et je me fais pécho comme un gosse pris les doigts dans le pot de confiture… Et par une télé en plus !
J’hallucine là ! Et ce Cheese Burger engouffré chez Quick il y a une heure… comment elle peut savoir bon sang ?

N’empêche. Rien à faire d’autre que d’attendre. Je zappe sur Direct8 ; ça elle me laisse faire… mais franchement, Morandini et les Déménageurs de l’extrème qui tournent en boucle, pfff…
En attendant je me débarrasse de mes Leffe. Je les planque à la cave. Et tout ça je le fais au petit trot histoire d’accélérer la digestion. Zut quoi ! Je vais manquer les séries du 200m si ça continue…
J’y retourne. Fauteuil, télécommande, pression décidée sur la touche 2. Je patiente non sans appréhension. Une goute de sueur perle sur mon front. Je sens venir l’embrouille. Un point rouge s’allume au dessus de l’écran. Elle m’observe. Je suis maudit :

J’ai demandé :

« Un T-shirt Décathlon et un boxer Super U, je peux les garder, dites ?
Hein, je peux ? »

Voilà. C’est comme ça que je me suis retrouvé nu devant ma télé. Penaud.
Là où j’ai eu de la chance c’est que j’ai pu garder mes tongs. Les trois bandes imprimées, la marque Adidas… Tout y était. Ma télé et le CIO n’y ont vu que du feu. Et pourtant elles venaient de Vintimille mes tongs. De l’Adidas très très chinois à n’en pas douter…

J’en étais donc là. Nu (presque) et privé de bière. Mais réjoui : les JO allaient ENFIN commencer.

C’est à cet instant qu’est apparu ce tout dernier message :

Je crois que ce qui m’a redonné le sourire, c’est le bruit mat de mes tongs brisant l’écran de mon (ex)téléviseur hyper-connecté. Défoulant.
Pour les JO ? Je lirai le journal, tiens !