Nous étions nombreux à la Rodia ce mercredi soir pour assister au concert de Jane Birkin.
C’était une date un peu particulière : elle marquait le « retour à la maison » de son spectacle « Arabesque ». Car vous ne le savez peut-être pas, mais c’est à Besançon, durant quelques semaines de l’année 2000, que Jane Birkin régla et répéta ce spectacle avec ses musiciens Bisontins : Fred Maggi (piano) et Djamel Benyelles (violon).
Sur la scène de la Rodia ce soir, nous avons découvert une Jane Birkin généreuse et maîtresse dans l’art de transmettre les émotions à son public. Elle nous a bien sûr offert son sourire et ces fautes de français qu’on ne lui pardonnerait pas de ne plus commettre.
Nous l’avons regardée danser et rire, elle avait soudain à nouveau vingt ans. Nous l’avons aussi vue les yeux emplis de larmes lorsqu’elle a lu un texte écrit par son neveu disparu.
Un mélange de gravité et de légèreté, elle est comme ça Birkin. À l’image des arrangements arabisants si riches en contrastes d’Arabesque. Le titre « Elisa » en est l’illustration parfaite : débutant dans la mélancolie déchirante des nappes de violon, il s’envole subitement sur les rythmes joyeux et entraînants de la darbuka.
En approchant de la fin du concert, nous avons entendu les nombreux « mercis » de Birkin et nous l’avons écoutée nous dire que cette soirée était « merveilleuse » et que c’était grâce à nous. Venant d’autres cela aurait sonné surfait. Venant d’elle, je ne sais pas pourquoi, c’était simplement « vrai ».
Le dernier rappel, la toute dernière chanson, ce fut la Javanaise. Birkin la chanta a cappella, spontanément accompagnée par le public.
J’ai enregistré cette Javanaise. Sans trop savoir pourquoi.
Et puis nous sommes sortis de la salle de concert et nos téléphones ont retrouvé ce « réseau » dont ils étaient privés depuis le début du spectacle.
J’ai alors reçu ce SMS qu’un ami m’avait envoyé quelques minutes plus tôt. Il venait de voir passer cette information glaçante : Kate, la fille ainée de Jane Birkin avait fait une chute du quatrième étage de son appartement parisien en début de soirée. On venait d’apprendre sa mort.
On s’est alors retrouvés à quelques-uns, hébétés, à la sortie de la Rodia. Prenant soudain conscience que nous venions de voir chanter, danser, rire et sourire une femme « orpheline » de son enfant et qui ne le savait pas encore.
Birkin était avec nous ce soir.
De retour chez moi, j’ai réécouté cette Javanaise. Je ne sais toujours pas pourquoi je l’avais enregistrée. Mais je sais que j’ai bien fait : on y entend le sourire de Jane B.