Rôôôo l’autre là – Usain Bolt. Il court sur cent petits mètres et c’est le monde entier qui en fait des tonnes…
Oui, je sais. Il les a courus super vite ses cent mètres. Il a même été le-plus-rapide-de tous-les-temps à ce qu’on dit. Mais le plus rapide SUR CENT MÈTRES bon sang ! Juste sur cent petits mètres et pis c’est tout !
Et puis quoi ? Qu’est-ce que ça prouve sur les capacités du bonhomme à affronter LA VRAIE VIE ? Je veux dire par là : à quoi ça peut bien lui servir au quotidien d’être le plus rapide au monde sur 100 mètres ? À quoi ?
J’ai bien quelques idées qui me viennent…
Tiens par exemple, on peut aisément envisager que le jour des soldes, lorsque le rideau de fer du Cora du coin se lève, Usain est le premier arrivé au rayon électroménager. Et bingo ! La centrale vapeur soldée à 50% c’est pour lui ! Sacré avantage. C’est indéniable. Mais encore ?
Au mariage de la cousine Jessica, lorsque cette dernière lance son bouquet par dessus son épaule de jeune baguée, qui c’est qui se précipite et qui grille toutes les célibataires de la noce ? À votre avis ? Bah oui c’est Usain évidemment ! Et tant pis si le bouquet était destiné à une donzelle et pas à un grand gaillard plein de muscles. Quand on a la compét’ dans la peau, on ne se domine pas… Et à part ça ?
Oh ! Il y a aussi toutes ces petites chausse-trapes du quotidien qui n’auront pas de prise sur notre centmètrier et qui nous, nous pourrissent la vie : le bus qui est déjà à la station et que nous n’atteindrons pas à temps, même en courant – Usain – lui – il peut tout en courant.
Le type de Chronopost qui sonne et qui n’attendra pas la fin du pissou, le remontage de la braguette et la course effrénée vers l’interphone. Avec Usain, le gars de Chronopost ne serait pas reparti avec le colis en laissant derrière lui un avis de re-passage pour lundi… Usain aurait pu profiter durant le week-end de sa commande chez Amazon (le dernier Marc Lévy). Veinard va.
Usain Bolt a donc un super pouvoir et cela peut parfois être utile au quotidien. Mais franchement, est-ce que ça justifie qu’on en fasse des montagnes ? Que l’on nous passe et repasse sa course de 9 »63 jusqu’à la nausée ; et au ralenti en plus, histoire d’en profiter un peu plus longtemps… et sous un autre angle, au cas où l’on aurait manqué quelque chose, je sais pas moi, un mouvement de chaussette peut-être…
Je dis non ! et même NON ! Ça ne mérite en rien ce déchainement médiatique. Il y a sur cette planète des comportements autrement plus incroyables et qui mériteraient qu’on s’y arrête un peu. Rassurez-vous va, je ne vais pas sortir le violon et vous faire larmoyer sur les actes héroïques de quelque médecin ou pompier sauveur de vies. Laissons le pathos de côté et restons dans le domaine de la performance physique pure.
Tiens ! MOI par exemple ! Je sais faire un truc exceptionnel, rarissime, UNIQUE : je suis capable de bouger mes oreilles. Non non, ne souriez pas. Je ne bouge pas les oreilles comme vous. Moi je sais les mouvoir indépendamment du reste de mon visage. Je veux dire : sans froncer les sourcils, ni rider le front. Je bouge mes oreilles et rien que mes oreilles : de haut en bas et de l’avant vers l’arrière ! Oui môssieur ! Oui madame !
Là je vous sens interloqués. Faut dire qu’il m’en a en fallu des heures de concentration et de souffrance pour y parvenir. Toute une enfance passée devant le miroir à espérer le moindre mouvement des lobes, le plus petit tressaillement du pavillon. Beaucoup d’efforts en somme. Énormément de sacrifices et une discipline de chaque instant. Tout comme Hussein sur la piste en quelque sorte. Oui c’est ça. C’est exactement ça ! Usain et moi nous avons cette expérience en commun !
Malgré tout, je suis parfaitement conscient que cette extraordinaire capacité m’est sans doute aussi inutile au quotidien que de savoir courir le 100 mètres super vite. Cependant, qui parmi vous peut bouger ses oreilles comme je le fais ? Et qui peut se vanter de courir le 100 mètres en 9 »63 comme Usain Bolt ? Hmmm ?
Ouais. Mais voilà : le 100 mètres d’Usain, on en a fait un événement mondial, alors que mes oreilles tout le monde s’en cogne. Et pourquoi d’après vous ? Pour quelle obscure raison, Nelson Monfort ne minaude-t-il jamais pour moi dans son micro en érection ?
» Bison. Ô Bison ! Quelle in-cro-yable performance vous nous avez offert là ! What a fucking perf ! Vous nous avez im-pres-sion-nés ! ensorcelés ! que dis-je : é-blou-is ! C’est toute la France que vous venez de toucher en plein cœur avec cette hal-lu-ci-nan-te chorégraphie ! Ce ne sont pas deux oreilles que vous avez là ! Ce sont des danseuses du Bolchoï !
Je peux vous dire Bison que le public de France Télévisions qui nous regarde en ce moment se joint à moi pour vous dire combien il vous aime ! We love you Teinted Buffalo ! Et nous aimons aussi beaucoup votre générosité. Nous savons bien sûr que l’hiver dernier vous avez été profondément touché par l’abattage de votre ami Léon le platane. C’est bien sûr à lui que vous pensez aujourd’hui en bougeant les oreilles, n’est-ce pas Bison ? »
Finalement c’est pas plus mal. Je m’en passerai bien du Nelson. Et puis je préfère la jouer grand seigneur finalement et rester discret et humble avec mon super pouvoir.
Je tiens toutefois à avoir une pensée amicale pour mon confrère Usain Bolt qui n’est pas fichu de bouger les siennes, d’oreilles. Pauvre vieux va.