Les frères Lumière : ces Bisontins dont Besançon s’enorgueillit si peu

Source : Wikipedia. Crédit : Arnaud 25

Source : Wikipedia. Crédit : Arnaud 25

À Besançon, la maison natale des frères Lumière se trouve à quelques mètres de celle de Victor Hugo.
De la naissance de l’illustre écrivain pourtant resté seulement quelques semaines, la ville s’enorgueillit sans complexe. On vient d’ailleurs d’inaugurer la Maison de Victor Hugo.
Mais seule une plaque murale signale la maison natale des frères Lumière. La naissance en nos murs des inventeurs du cinématographe aurait pu être valorisée depuis bien longtemps mais rien n’a jamais été fait à Besançon.
Ou si peu : un collège qui porte leur nom, une rue discrète dans le quartier Montjoux et une sculpture de Pascal Coupot qui rend hommage à leur Arroseur arrosé dans la cour de la médiathèque Pierre Bayle.

Au regard de l’importance que l’invention du cinématographe a pris tout au long du XXe siècle et jusqu’à nos jours, cela a de quoi surprendre.

Crédit : Jean-Claude Gagnepain - photothèque de la ville de Besançon

Crédit : Jean-Claude Gagnepain – photothèque de la ville de Besançon

À vrai dire c’est un véritable tabou qui s’est installé dans notre ville autour des frères Lumière. Et cela date de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis la Libération, pas question pour les maires successifs de célébrer ces personnages. En cause, leur soutien au régime collaborationniste de Pétain, l’admiration de Louis pour les fascistes italiens et la notoriété d’Auguste mise au service de la Légion des Volontaires Français (soldats volontaires qui combattirent au côté des SS).

Voici un article que Louis Lumière publia dans le Petit Comtois du 15 novembre 1940. C’est édifiant et l’on comprend parfaitement qu’après la guerre, ces deux natifs n’aient pas fait la fierté des Bisontins.

Petit Comtois du 15/11/1940

Petit Comtois du 15/11/1940

Mais les années passent. Les mauvais choix personnels que firent Louis et Auguste durant la guerre resteront dans les mémoires. L’Histoire ne se récrira pas. Mais il se murmure que le tabou serait en train de tomber. D’ailleurs, la deuxième rame récemment livrée du vénéré tramway a été baptisée du nom des deux frères. C’est un signe.

source : letram-grandbesancon.fr

source : letram-grandbesancon.fr

Au-delà des inventeurs, on peut surtout regretter que leur invention n’ait jamais été associée à l’image de notre ville. Du cinématographe mécanique saccadé, muet et en noir et blanc qu’ils mirent au point aux technologies numériques d’aujourd’hui, il y a certes un monde. Mais c’est toujours de cinéma dont il est question. Ce cinéma qui fait rêver petits et grands. Et c’est bien chez nous que sont nés et ont vécu ses inventeurs. Même si c’est à Lyon, des années plus tard, qu’ils en mirent au point le procédé.
La ville de Lyon qui – au passage – a parfaitement su s’en accommoder.

Alors quoi ? Une Maison des frères Lumières ? Un festival de cinéma ? Une pépinière d’entreprises en lien avec le cinéma et l’image ? La restructuration du zoo de la Citadelle en Besacollywood ? À voir…

Mais il y a dans ce bon vieux cinématographe un je-ne-sais-quoi de dynamique et d’excitant qui nous sortirait un peu de ce carcan historico-patrimonial Vesontio-Vauban-Victor Hugo-Musée du Temps dans lequel notre ville se complait tant, dont nous sommes forcément fiers mais dans lequel on étouffe un brin, non ?

Tiens, en bonus, savez-vous quand notre belle région a su associer efficacement son image au milieu cinématographique pour la toute dernière fois ? Vous donnez votre langue au chat ?
C’était en décembre 2012, lorsque le Conseil régional de Franche-Comté a pris sans concertation préalable la décision de supprimer le Fonds d’aide à la production cinématographique. Alors même que la Franche-Comté avait été une des premières régions à le mettre en place en 1992. Ceci a offert un joli buzz négatif à Marie-Guite Dufay, sa présidente.

Deux mois plus tard, le réalisateur belfortain Cyril Mennegun remportait le César du meilleur premier film pour « Louise Wimmer ». Il confiait à Factuel.info :

Pour mon premier court-métrage et les documentaires, le soutien de la Région était vital. Pour « Louise Wimmer » tourné en partie à Belfort aussi, mais là on était déjà dans une autre économie.
C’est triste de supprimer ces aides pour l’énergie de la jeune création qui aura du mal à émerger, les techniciens et tous les dommages collatéraux…
C’est une très mauvaise nouvelle. Je suis d’ailleurs très surpris car le site de la Région mentionne mon César et le Prix Delluc. Elle s’enorgueillit de ce qui arrive sans pudeur tout en supprimant cette politique ! (…)

Et pan !

 

Pour aller plus loin

 

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3 réflexions sur « Les frères Lumière : ces Bisontins dont Besançon s’enorgueillit si peu »

  1. Frédéric Moreau

    Il existe dans le milieu bisontin des historiens qui imposent une chape de plomb sur quiconque sortait un doigt de sa poche pendant les années d’occupation, il faudra attendre la retraite de certains chiens de garde.

  2. Nicolas

    Les frères Lumières sont les premiers à avoir proposé des séances payantes, mais ne sont surement pas les inventeurs du cinématographe… Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser aux travaux et à la troublante destinée de Louis Augustin Le Prince. Amicalement.

  3. Blandine

    On aurait pu aussi s’attendre à ce qu’ils fassent partie des figures du « Jeux de Tarot de Besançon », mais il n’en est rien.

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