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Archives par étiquette : Victor Hugo
Six heures moins le quart
Cher Bison Teint,
voilà bientôt neuf années que je suis boulonné là, devant la mairie de ta ville.
Neuf années que je partage mon temps entre la consultation de ma montre et la contemplation de tes concitoyens qui passent et s’arrêtent parfois devant moi.
Durant ces neuf années — vois-tu — j’ai eu le temps de vous observer et de discerner deux choses qui vous rendent particulièrement fiers et dont tout Besançon s’enorgueillit : votre passé horloger et ma naissance en vos murs.
Seulement voilà l’ami, la fierté ça se mérite et la réputation ça s’entretient.
Alors s’il-te-plaît, dis leur de m’envoyer un horloger et qu’il me répare enfin cette p*** de montre qui affiche SIX HEURES MOINS DIX depuis neuf ans !
Sinon, je pourrais bien raconter aux touristes qu’en vérité je suis né… à Dijon.
Bien à toi
Vic
BesaQ la chaude
Oui oui le froid est là. On sait ça. Le gel, la glace, le verglas, les canalisations qui pètent et les fontaines transformées en banquises miniatures.
Et pourtant, Besançon n’a jamais été aussi chaude. Limite chaudasse.
Tout a commencé avec le plus respectable et le plus âgé d’entre nous. J’ai nommé Victor Hugo – 210 ans au compteur et toujours vaillant. Le plus célèbre des Bisontins s’affiche depuis le début du mois de février en grand format dans la ville. Et diantre ! L’une des ces affiches est comment dire… whoua !!!
Pour illustrer Hugo « l’homme engagé », on a donc choisi une citation extraite… d’une chanson de France Gall (de Michel Berger pour être plus précis).
J’aime bien ce décalage. Ça nous décrispe un peu dans notre rapport à Victor Hugo, et ça c’est nouveau.
Mais là où cette affiche devient franchement surprenante, c’est qu’un martinet à lanières de cuir illustre le tout !
sado-maso ?
Alors quoi ? La Ville de Besançon nous vend un Victor Hugo coquin voire sado-maso ? Nan ??? Comme vous y allez ! Il s’agit plus probablement d’une allusion au combat de l’écrivain en faveur des droits des enfants. Si hein ?
Oui. Mais voilà : aujourd’hui le martinet est plutôt connoté « jouet de grands » et au passage tant mieux s’il l’on n’en vend plus pour corriger de pauvres gosses.
Bref, je dois avoir l’esprit tordu mais… Et si… et si tout ça n’était en définitive qu’un « teasing » un brin culturel pour faire monter la fièvre avant… le Salon de l’Érotisme – salon qui se déroulait ce week-end à Besançon ?
Mmmmm…. d’ailleurs que voit-on sur le site de l’Office du Tourisme de Besançon ?
On voit notre Victor et le Salon de l’Érotisme se mêlant complicemment complaisamment dans des intérêts publicitaires croisés :
Ah ! L’affiche du Salon de l’Érotisme ! C’est un euphémisme de dire qu’elle ne fait pas dans la finesse. Voyez un peu la bibite qui vous fait coucou, si c’est pas mignon :
Au passage, faudrait penser à changer le nom de ce salon, juste pour être raccord avec le contenu : Salon du Q ou du porno ce serait plus honnête non ? Bah oui l’érotisme ce n’est pas la quéquette. C’est la suggestion de la quéquette ! J’aurais pu bosser pour Révillon moi.
Arf ! Définitivement, je préfère mon Totor avec son martinet à lanières. Au moins lui nous vend du rêve, ou pas. Question de goût.
Un complot ?
Alors quoi ? Un complot de la sphère politico-médiatique en faveur des intérêts capitalo-dévergondés du Salon de l’Érotisme ? C’est bien possible oui ! Pour preuve cette affichette que l’Est Républicain a essaimée un peu partout dans la ville ce vendredi – veille du salon. Comme par hasard.
Le message est à peine subliminal… à peine :
Heureusement : il nous reste la tendresse… après cette débauche de sexe.
Un poutou ça vous tente ?
Il faut bisontiner le soldat Hugo !
Ce texte est l’adaptation d’une chronique que j’ai faite pour « La seule émission qui n’a pas de nom » sur Radio Bip. Vous pouvez l’écouter grâce à ce lecteur. L’émission intégrale avec Ranok et Michel23 est à écouter sans modération ici : http://pseudoblog.free.fr/?p=903
[iframe http://w.soundcloud.com/player/?url=http%3A%2F%2Fapi.soundcloud.com%2Ftracks%2F35933326&show_artwork=true 550 166]
C’est bien connu, Victor Hugo est né à Besançon le 26 février 1802. Il aura donc 210 ans le 26 février prochain. Alors tous en chœur :
Joyeux anniversaire Victor ! Joyeux anniversaire Victor ! Joyeux aaaaaaanniversaire Victor ! Joyeux AN-NI-VER-SAIRE !
Sauf que Victor est mort… Il y a déjà bien longtemps vous savez. Mais peu importe car les illustres ne meurent jamais vraiment. Chaque « année en 2 » nous en apporte la preuve à Besançon.
Ces années-là nous offrent l’occasion de décongeler Victor et de sortir de son musée de cire cet écrivain fameux qui nous a fait l’immense honneur de naître chez nous, dans notre cité. Quoi de plus normal ?
Il faut cependant reconnaître que la naissance bisontine du grand homme nous pose un épineux problème, puisque précisément – nous n’avons jamais vu Victor Hugo « le grand homme » dans nos murs. Nous n’y avons aperçu que Totor – le nourrisson. Et ce fut on ne peut plus furtif.
À peine né – au hasard d’un passage en garnison de Hugo père – soldat de profession – à peine né et déjà reparti vers le destin qu’on lui connait. Et Victor une fois parti, n’est plus jamais revenu. Jamais.
En résumé et pour faire simple : l’un des plus fameux écrivains de tous les temps est né à Besançon mais il n’a fait qu’y brailler et y téter sa mère.
Hugo le barbu, Hugo l’auréolé de gloire littéraire et politique, cet Hugo-là nous a snobés. Vexant.
Pourtant les Bisontins n’ont pas été rancuniers. Ils ont célébré leur glorieux natif comme il se doit : ils lui ont érigé des statues, ont offert son nom à sa place natale et vous rencontrerez l’enseigne « Victor Hugo » un peu partout dans la ville et sur tout et n’importe quoi : restaurant, cinéma, agence immobilière, montre de luxe, gâteau, collège, lycée et bientôt bientôt sur une rame du tramway tant attendu, tant espéré, tant réclamé par les Bisontins.
« Mais ça ne suffit pas ! Il faut faire plus ! » clame en substance Jean-Louis Fousseret dans le BVV de février qui comporte un encart spécial Victor Hugo.
J’en profite au passage pour rappeler que les trois lettres BVV signifient « Besançon Votre Ville » et pas du tout « Besançon Ville de Vieux » comme je l’ai lu cette semaine. Certaines personnes sont d’une méchanceté…vraiment.
Voici dont les mots exacts de notre maire. Il répond à une question posée par un journaliste du BVV (tiens, en voilà un bel oxymore).
Qu’ont en commun l’action de la Ville et les idées de Victor Hugo ?
Victor Hugo est l’écrivain français le plus connu au monde, sa renommée est immense. J’estime que les idées et la philosophie d’Hugo sont toujours d’actualité. Nous nous devons de l’associer à l’image de la ville, car sa notoriété contribue à notre attractivité touristique. (…)
L’essentiel est dit. Il faut associer Victor Hugo à l’image de la ville, pour ses idées politiques et philosophiques évidemment (ça c’est fait) mais aussi et surtout pour les retombées touristiques tant espérées.
Vauban on l’a fait et nos rues n’ont pas été envahies par les hordes touristiques UNESCO’mpatibles promises. Les frères Lumière on en a fait cadeau à Lyon, Proudhon et Fourier faut pas déconner non plus et Tristan Bernard n’est-ce pas, il n’y a que les lecteurs assidus des citations pour papillotes qui le connaissent encore…
Donc on va mettre le paquet sur le Totor et là ça va péter vindjieu !
On peut lire aussi dans le BVV :
Dix ans après la célébration du bicentenaire de sa naissance, la Ville de Besançon a décidé que l’hommage à Victor Hugo serait désormais permanent, en ouvrant les portes de sa maison natale au public en 2013.
Diantre ! Un hommage permanent ! Vous vous rendez compte un peu ? On ne parle plus d’années en 2 là. Victor ce sera tous les jours de l’année et à toute heure. On va bouffer du Hugo à tous les repas.
On n’habitera plus à Besançon mais à Besançon-ville-natale-de-Victor-Hugo…
Les grandes manoeuvres ont donc démarré et l’objectif premier est évident : il faut mettre le paquet sur le côté Victor Hugo ET Besançon. Il faut légitimer le lien entre l’homme et la ville. Montrer au monde entier que non non Totor n’a pas pu naître dans notre si jolie ville par hasard et que oui oui il existe des liens profonds entre le grand homme et notre cité.
En un slogan ça pourrait donner :
« Il faut bisontiner le soldat Hugo »
Voilà d’ailleurs ce que l’on peut lire au tout début de ce spécial BVVH (Besançon Votre Victor Hugo) :
Je vous propose d’analyser ce court passage qui méritera à n’en point douter de rester dans les annales de ce qui s’annonce déjà comme l’« annus horribilis ». L’année horrible pour tous ceux qui ne digèrent pas le Victor Hugo servi en trop grande quantité.
Certes, Victor Hugo ne sera pas resté longtemps à Besançon, six semaines dit l’histoire (…)
Notez que le mot histoire ne commence pas par un H majuscule. Il n’est donc pas question ici de la grande Histoire, de celle à laquelle contribuent par leurs recherches les historiens sérieux. Non, il s’agit ici de l’histoire avec un petit h. Celle qu’on se raconte au comptoir entre quidams. Une bonne histoire, comme une bonne blague. On pourrait presque parler de rumeur, tiens !
[quote]Dis-donc t’es au courant pour le Victor ? On dit qu’y s’rait né chez nous par hasard pis qu’y se s’rait barré vite fait. Il tétait encore, le gamin. Et t’as vu un peu le flan qu’y z’en font à la mairie avec le Victor !? Rôôôô… [/quote]
À la thèse dérangeante « des six semaines » on nous oppose donc celle « des spécialistes » dont fait partie Arnaud Laster qui :
« pense que le tout petit Hugo est resté plus longtemps qu’on ne le dit généralement »
Attention hein, Monsieur Laster ce n’est pas la moitié d’un Hugolâtre. Il est universitaire et président de la Société des Amis de Victor Hugo. C’est écrit.
Il ajoute :
« Ça peut être plusieurs mois, car les dernières recherches laissent apparaitre que son père est parti de garnison en juin. »
Voilà donc d’un côté l’histoire avec un toute petit h et de l’autre des « pense que », des « peut être que » et des « laissent apparaître » avancés par des experts spécialisés et des spécialistes plein d’expertise.
Ce que l’on ne précise pas dans le BVV c’est que cette « histoire » des six semaines ne date pas d’hier et qu’elle aussi est le fruit de travaux d’historiens, des vrais qui semblaient d’accord depuis belle lurette.
Mais soit, le Totor est peut être finalement parti de Besançon beaucoup plus tard que ce que nous pensions jusque là ; soit à l’âge respectable de… quatre mois !!!
Dingue ! À quatre mois on n’est plus tout à fait un bébé c’est vrai. À cet âge-là, la fontanelle se referme, la tête tient toute seule depuis un bon moment et on peut raisonnablement envisager de… tenir une plume ! Il était précoce le Victor. Si si.
Pour l’âge du départ c’est fait. Parlons un peu maintenant des racines comtoises. Que dit le BVV ?
Woua ! Un autre expert. Biographe de Victor Hugo ET directeur au CNRS en plus. Ça c’est ronflant. Et voilà que ce spécialiste nous apprend que la grand-mère paternelle était native de Dole.
Dole qu’au passage notre expert écrit avec un accent circonflexe sur le O mais ça on a l’habitude. Je la fais aussi couramment celle-là.
Une mamie de Dôle donc.
Et notre chercheur d’ajouter que Victor Hugo – s’il n’est jamais revenu à Besançon – « conserve pour cette ville un attachement particulier d’un bout à l’autre de sa vie… » . Puis de rappeler que l’écrivain « choisit tout de même de dire dans un poème connu dans le monde entier qu’il est né à Besançon ; ce n’est pas anodin ».
Ce qui est d’autant moins anodin cher Jean-Marc c’est que Victor Hugo avait adjoint à Besançon – sa ville natale – le qualificatif de « vieille ville espagnole »…
Sí señor. Il l’a fait !
Voilà où nous en sommes du bisontinage en cours de notre cher Victor ; et l’on peut parier sans risque – qu’avant l’ouverture de sa Maison natale en 2013 – on nous présentera tout plein de découvertes de spécialistes sur les liens entre le poète, sa ville natale et le pays comtois :
- Victor et le cheval en bois que son oncle lui avait offert pour ses 3 ans. Jouet en provenance directe des artisans du Jura, ce département de la Région Franche-Comté dont la capitale est… Besançon.
- Victor et l’horloge comtoise qu’il avait acquise pour ses vieux jours auprès d’un horloger qui se fournissait exclusivement à… Besançon.
- Victor et le vin d’Arbois…
- Victor qui écrivit dans « La légende des siècles » ce vers : « Mon père, ce héros au sourire si doux… »
Hé oui ! Le Doubs ! Qui comme chacun sait coule à… Besançon !
Pour terminer, aller ! Un peu d’anticipation. Notre maire nous donne un aperçu de ce que sera la Maison natale de Victor Hugo :
(…) Une scénographie ludique et moderne animera le premier étage, où se situait l’alcôve natale. Cet étage sera entièrement consacré aux combats d’Hugo. Le sous-sol abritera une salle multimédia.
L’alcôve natale. Une salle multimédia. Moi qui suis un peu féru de nouvelles technologies – et je sais que mon maire l’est aussi – je me prends à rêver.
Je pense à la réalité augmentée. Vous savez, on enfile de grosses lunettes bizarres, un casque et on a l’illusion d’y être en vrai. On se balade dans les lieux d’aujourd’hui en voyant des images d’hier reconstituées en 3D avec le son en prime.
Ici l’alcôve natale. Dedans le nourrisson, il braille. Sa mère aimante est penchée sur lui. Elle le change.
Et nous, derrière nos grosses lunettes, nous nous apitoyons devant cette scène intime. On se sent un peu voyeur, un peu voyageur du temps car nous, on sait : ce gamin deviendra célèbre, il écrira des choses incroyables, il deviendra Victor Hugo…
Dommage : il ne reviendra jamais chez nous. L’ingrat !
Victorizo
J’ai fait un rêve… un drôle de rêve, une drôle d’idée.
Je vous explique : comme tous les 10 ans, Besançon s’apprête à célébrer dignement l’anniversaire de l’enfant le plus célèbre de la ville : Victor Hugo… 1802/2012
Sans doute avez-vous aperçu des affiches dans la ville ; la colle est encore toute fraîche. Sinon voici une mise en bouche :
http://franche-comte.france3.fr/info/besancon–le-grand-retour-de-victor-hugo–72215616.html
On le sait, c’est un fait : ce cher Totor a passé sa vie entière en étant convaincu d’être né en Espagne…
Extrait :
(…)
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix
(…)
C’est un peu ridicule mais il en est ainsi : les grands écrivains ont parfois des lacunes géographiques. Certains géographes – de leur côté – ont d’ailleurs du mal avec l’accord du participe passé lorsqu’il est employé avec l’auxiliaire avoir placé avant ou après le complément d’objet direct. Chacun son truc donc. On ne peut pas être bon partout.
Totor étant né en Espagne donc (en nuestra ciudad), ne pourrions-nous pas rendre hommage à son (très court) passage chez nous en s’évadant du pompeux et du révérencieux trop souvent de mise à son égard et en intégrant une ch’tite pointe d’humour aux festivités ?
C’est là que mon rêve intervient et l’idée dont j’ai rêvée est simple :
et si on organisait une paella géante sur la place de la Révolution !? Hein ?
Je ferme les yeux et je vois déjà Esmeralda passant de table en table pour y servir la sangria, au passage elle fait les lignes de la main de quelques Bisontins, leur prédisant si oui ou non le tram leur coûtera les yeux de la tête… Rhaaa Esmeralda !
La paella géante pourrait éventuellement être suivie d’un lâcher de taureaux dans la Grande rue. Ou pas.
¿Está de acuerdo?
« C’est horrible, ils ont remis Victor Hugo au micro-ondes. Décongélation programmée pour le 26… »
“C’est horrible, ils ont remis Victor Hugo au micro-ondes. Décongélation programmée pour…
Cette année je partage mes vœux avec Victor Hugo… en toute modestie
Victor, il faut qu’on parle
« Victor, il faut qu’on parle. »
Voilà une entrée en matière qui devrait lui couper la chique à l’écrivain.
Faut dire que les formules pompeuses et les courbettes, notre illustrissime n’en a que trop soupé de son vivant.
Une désaccoutumance s’impose. Donc : privé de “Monsieur Hugo”. Voilà.
Lui donner du “Victor” est une bien meilleure idée. Juste ce qu’il faut de familiarité pour le prendre par surprise et attirer son attention.
Une tactique, une ruse. Un coup à lui déboulonner le piédestal.
À lui faire prendre l’humilité.
« Victor, il faut qu’on parle. De Bisontin à Bisontin. Tu dois savoir ce qui se passe ici et qui risque d’empirer bientôt. »
À Besançon, Victor Hugo c’est un peu notre mistral à nous.
Impossible d’arpenter la ville sans que son souffle légendaire vous attrape et s’incruste.
Victor est partout – représenté, emprunté, cité, vanté, détournée, jeudemotisé, revendiqué, commémoré, exposé, statufié, embusté, moulé, commercialisé.
Il est multiforme : restaurant, cinéma, chocolat, résidence, agence immobilière, montre de luxe, gâteau, collège, lycée et bientôt rame de tramway.
C’est au pied de la Porte Noire – à l’endroit où la ville devient haute – que l’on trouve l’épicentre de ce culte hugolien.
On trouve là la maison natale du grand homme.
Héberger dans notre ville la maison natale d’un personnage de cette trempe – ne boudons pas notre plaisir – c’est épatant. Profitons-en.
Devenons petite souris et observons l’effet “Victor Hugo est né à Besançon. Victor Hugo was born in Besançon. Victor Hugo kam in Besançon zur Welt. Victor Hugo nació en Besançon. 维克多雨果出生在贝桑松 … ” :
Voici un touriste. Celui-ci fait étape devant le numéro 140 de la Grande rue. Il contemple l’illustre bâtisse, ému et l’œil humide. Notre homme questionne un autochtone :
[quote]
touriste (excité) — C’est donc là que Victor Hugo a écrit les Misérables ?
Bisontin (amusé) — Euh, non
touriste (naïf) — Et Notre-Dame de Paris ?
Bisontin (blasé) — Non plus
touriste (perplexe) — La Légende des siècles alors ?
Bisontin (lassé) — Du tout non
touriste (perturbé) — Alors il a écrit quoi ici ?
Bisontin (cinglant) — Rien
touriste (désappointé) — Il y a fait quoi alors ?
Bisontin (agacé) — Il y est né
touriste (déçu) — C’est tout ?
Bisontin (goguenard) — Non, non. Il y a tété aussi.
touriste (dépité) — Ah.[/quote]
« Alors Victor ? Des souvenirs de cette maison ? Non, n’est-ce pas ? »
Comment lui en vouloir ?
Naissance, premier cri, premiers langes et déjà – à l’âge de six semaines – le départ définitif.
Alors quoi de bisontin chez Victor hormis son acte de naissance ? Des racines comtoises peut-être ?
Que nenni : maman Hugo était nantaise et papa, nancéien. Ce dernier – militaire de carrière – était en garnison à Besançon depuis six mois lorsque le petit Victor naquit le 26 février 1802.
Un rapide calcul nous laisse d’ailleurs entrevoir que les parents Hugo n’étaient pas encore installés à Besançon lorsqu’ils réservèrent une cigogne pour février 1902. Mais respectons l’intimité des familles illustres…
Victor Hugo aura donc traversé le ciel de Besançon comme une étoile filante… pffffffffuit !
Cela n’empêcha pas les édiles bisontins d’en faire des tonnes : Besançon, terreau du génie hugolien et bla bla bla.
En vérité, la ville fut l’humble berceau d’un enfant prodige qui ne revint jamais.
Le poète-romancier-politicien (etc) que l’on célèbre dans notre ville – cet homme-là s’est construit bien loin d’ici : à Paris, en Espagne et en diverses terres d’exils.
Le pompon d’or de l’hugolatrie locale revient sans conteste à cette statue qui trône Promenade Granvelle depuis 1902. Elle fut sculptée à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain.
L’œuvre aurait donc pu ressembler à quelque chose comme ça. ➜
Mais non. On demanda à Just Becquet – le sculpteur – quelque chose de grand, de majestueux afin de célébrer dignement la superbe de notre glorieux natif.
L’artiste ne fit pas dans la demi-mesure.
← Il commit cela.
Du second degré vous dites ? Si seulement.
L’humour est le grand absent de la relation crispée entre Victor Hugo et Besançon. Trop de sérieux dans cette affaire.
« Pourtant Victor, en voyant cette (hi hi hi) statue, on peut se demander si les Bisontins de 1902 – supposés reconnaissants – ne te vouaient pas plutôt une sourde rancune. Qu’en penses-tu ? »
A la vérité, ils auraient bien fait – nos taquins ancêtres – de lui régler son compte au Totor avec cette statue grotesque. Car le passif était de taille.
Explication : en 1831, Victor Hugo publie Les Feuilles d’automne – un recueil de poèmes.
L’un d’eux en particulier restera célèbre. L’auteur y évoque sa naissance ainsi que sa ville natale.
Ce sera la seule et unique fois… et il aurait mieux fait de s’abstenir.
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu’il fut, ainsi qu’une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre,
C’est moi.
Ah ! Le coup de « Besançon vieille ville espagnole » ! C’était aussi petit qu’historiquement faux.
« ¿Todo está bien en tu cabeza Victor?
Qu’est-ce qui t’est passé par la tête pour pondre une énormité pareille ? »
Le pire c’est que ça reste ce genre de citation. Ça imprime la mémoire collective – et bien au-delà de la Boucle du Doubs.
Et tout ça à cause d’une rime en -ole.
« Alors ? Tous ces touristes qui sillonnent la rue d’Arènes en quête de corridas et de tapas, c’est toi qui leur explique Victor ? »
N’empêche : pas si rancuniers les Bisontins car l‘hugolatrie revient ! Une nouvelle crise semble même imminente et les premiers symptômes sont observables sur le site Web de la Fédération nationale des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires
« Figure-toi qu’en 2013, ta maison natale deviendra « Maison d’écrivain ». Un lieu entièrement consacré à ta mémoire. »
Et pourquoi pas plutôt une « crèche Victor Hugo » ? En plus d’être utile ce serait un hommage rafraîchissant rendu à notre illustre nouveau-né. Non ?
Un soupçon d’autodérision serait en outre salvateur. Il apporterait un peu d’air frais. Juste un souffle de vent pour chasser cette lourde poussière muséale qui a fini par recouvrir l’enfant curieux et le jeune homme ambitieux que Victor Hugo a été. Je parie qu’il souriait quand il était enfant.
« Aller Victor, on passe l’éponge. Je t’offre un vers ! C’est un certain Maxime qui l’a écrit. C’est de circonstance je crois : »
[quote]Être né quelque part. Pour celui qui est né. C’est toujours un hasard.[/quote]
Pour aller plus loin
Voici une authentique anecdote relatée dans le Gaulois du 15 janvier 1896 (n°5183) consultable sur Gallica.
Visiblement, on n’a pas attendu le 21ème siècle pour trouver des Bisontins grognons un poil iconoclastes.