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Le dernier ouvrier (conte bisontin)

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Cette nuit-là, le Doubs devint si gros qu’il emporta tous les ponts. Il monta si haut qu’il avala la Citadelle et rongea sa colline.
Au matin, la boucle était devenue une île entourée de flots infranchissables.

En quelques semaines, les Bisontins coupés du monde pêchèrent tous les poissons, capturèrent tous les pigeons, moineaux, canards et hérons. Et lorsque tout fut mangé, rongé, nettoyé, ils tirèrent à la courte paille pour savoir qui aurait l’honneur et l’affliction de nourrir la communauté.

Le sort tomba sur les commerçants. Ils dirent : « Si nous mourrons, nos boutiques fermeront. Et que deviendra la ville sans ses boutiques ? » On recommença.

Cette fois le hasard désigna les boulangers. Ils dirent : « Quand le Doubs baissera et que la farine sera à nouveau livrée, qui fera votre pain si nous ne sommes plus là ? » On recommença.

Ce sont les fonctionnaires qui furent alors choisis. Ils dirent : « Qui achètera le pain des boulangers ? Qui entrera dans les commerces si l’on mange les fonctionnaires de cette ville ? »

À nouveau, on recommença et la malchance tomba sur les ouvriers.
« Voilà belle lurette qu’ils ne font plus vivre cette ville. Mangeons-les ! » clamèrent les boutiquiers.
« Ils nous achètent moins de pains que les autres. Mangeons-les ! » ajoutèrent les boulangers.
« Des ouvriers ? Il y a des ouvriers ? Hé bien mangeons-les ! » reprirent en chœur les fonctionnaires.
Les ouvriers souhaitèrent s’exprimer mais on leur expliqua que toutes les solutions avaient été envisagées, que c’était comme ça, qu’il fallait être courageux et penser au bien de la communauté.

Ils furent mangés l’un après l’autre jusqu’au dernier qui demanda à parler : « Vous êtes des imbéciles, dit-il. Au lieu de nous manger, vous auriez dû nous écouter. »
On lui demanda de s’expliquer. Il répondit : « Nous seuls pouvions construire un pont. Nous vous aurions tous sauvés. Et ensuite, qui mangerez-vous après moi ? »

On dévora cet effronté.

Plouf, pas plouf… le canular qui fait boire la tasse au site d’info locale

Il était environ 15h15, ce dimanche 8 janvier, lorsque un Bisontin a publié ce message sur Twitter

S’ensuit alors un échange de tweets

L’image est ensuite publiée sur Facebook et partagée par de nombreux Bisontins.
Beaucoup « aiment » – les fourbes ! … Bah oui, un véhicule de la fourrière tombé dans le Doubs… On peut les comprendre…

A 16h51, Macommune.info emporte le scoop en publiant un article comportant une autre photographie prise par « un internaute » ainsi que son témoignage. (capture d’écran de la page)

Pourtant dans cet article aucune précision sur les circonstances de cet accident. Pas non plus de nouvelles rassurantes du conducteur.
Le site Macommune.info n’aurait tout de même pas publié cette information sans la vérifier sur la seule foi d’un témoignage transmis par mail ? Juste pour faire du sensationnel ? Nan ???

Évidemment que non ! Nous avons affaire à des journalistes avec une exigence déontologique comme nous le confirmait ce reportage diffusé dans le JT de midi de France 3 Franche-Comté en date du 6 janvier dernier. Extrait (le site dijonnais dont il est question dans l’extrait est Dijonscope) :

C’est clair, la carte de presse ça change tout… Les journalistes vérifient les infos, mènent des investigations et tout ça. Respect.

Et pourtant…

Reculons d’une journée. Samedi soir, Macommune publiait un billet étrange intitulé  » Confrontation violente entre jeunes et policiers à Besançon » . Au menu, des heurts violents entre « jeunes » alcoolisés et forces de l’ordre, à la sortie de certains bars, dans la nuit de vendredi à samedi. Ce qui est étrange c’est la deuxième partie du billet. Ce sont des propos rapportés entre guillemets :

« Le centre de Besançon va de mal en pis. Quand les autorités municipales se rendront-elles compte de ce qui se passe dans les rues de leur ville… Arrêtons d’affirmer que tout va bien quand tout va mal plusieurs nuits par semaine.
Quand va-t-on imposer au bars de limiter et de contrôler les entrées, de respecter les règles de sécurité à l’intérieur de leurs établissements, de limiter la consommation d’alcool et d’arrêter, par mercantilisme pur et dur, d’enfreindre les lois sur la distribution d’alcool
», écrit un témoin des scènes de violence.

« écrit un témoin » ?? Est-ce à dire que la personne dont les dires ont été rapportés par Macommune n’a fait que transmettre son témoignage… par email ?

Naïf que je suis. Je pensais que tous les journalistes titulaires de cartes de presse rencontraient leurs sources ou tout du moins leur passaient un petit coup de fil, histoire de « jauger » leur crédibilité…

Testons

Pour en avoir le coeur net : montons un fake (un faux, un canular) et voyons ce qui se passera. Je sais c’est mal.

Scénario :

1. Sur Twitter, un Bisontin diffuse une photo en twittant en substance : « Ah ah la voiture de la fourrière nage sur le Doubs ! #besancon »

Coulisses du photomontage n°1

2. La communauté bisontine présente sur Twitter réagit et lui demande des précisions.

3. Le témoin précise alors que la photo a été prise il y a environ 40 minutes afin que quelqu’un qui se rendrait sur place pour vérifier ne trouve plus rien.
Il précise aussi avoir vu le conducteur sur le quai en train de courir pour remonter, téléphone à l’oreille.
Notre témoin n’a pas vu ce qui s’est passé avant. Il pense que la voiture ne coulait pas. Il a dû partir ensuite.

4. Quelques minutes plus tard, un autre témoin (bidon) envoie une autre photo à la rédaction de MaCommune…. avec son témoignage écrit que voici :

bonjour
je vous envoie cette photo. Je l’ai prise tout à l’heure vers 3 heures moins le quart en face de Bellevaux. Un véhicule était dans l’eau au niveau du parking puis ile courant l’a fait tourner et il s’est enfoncé dans l’eau. C’est la seule photo que j’ai fait. Il n’y avait personne dedans mais un employé (peeut être le conducteur) était sur le quai et téléphonait quand la voiture a commencé à couler. Si ça vous semble itnéressant faites-en bon usage.
René Bonnard (fidèle lecteur et habitant Velotte)

Coulisses du photomontage n°2

Le temps de trouver un ou deux complices et…

Et attendons…

Pas bien longtemps puisque moins d’une heure et demie plus tard, Macommune publie son article avec la photo et le témoignage écrit (et une faute en bonus).

Un coup de fil au commissariat ou à la fourrière aurait suffi pour en savoir plus et – en l’occurrence – cela aurait permis aux journalistes titulaires de cartes de presse de Macommune.info d’apprendre qu’il s’agissait d’un gros bobard.

Mais non, rien de tel n’a été fait. Point non plus de demande adressée au témoin afin de le contacter par téléphone et de jauger sa crédibilité. Le faux René Bonnard n’a reçu que ceci en réponse à son mail :

Et puis Twitter n’est-ce pas, n’est pas une source en soi… il s’y dit des vérités et des bêtises aussi. Trier le bon grain de l’ivraie est une étape obligée. Sans quoi…

Aller on se le refait juste pour le plaisir et n’oubliez pas : consommez de l’info c’est bien mais sans perdre son esprit critique, c’est mieux

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Mise à jour (lundi 9 janvier à 7h55)

L’article a été effacé du site Macommune.info quelques minutes après la publication de ce billet.

Il faut dire que l’Est Républicain – dans son édition du jour – a fait de cette affaire son billet d’humeur. Il semble qu’à l’Est Républicain ont ait passé les coups de fil indispensables à la vérification de l’information. CQFD

Dans la matinée, Macommune.info publie un « rectificatif », précisant qu’il s’agissait en fait d’un canulard canular et que la photo était « un montage transmis à la rédaction par un lecteur mal intentionné… ». Excès de confiance dites donc.

Mal intentionné le René Bonnard… quel sale type oui !  En même temps une bonne leçon c’est toujours positif non ?

C’était la première fois parait-il. Pas si sûr, rappelez-vous…