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Plouf, pas plouf… le canular qui fait boire la tasse au site d’info locale

Il était environ 15h15, ce dimanche 8 janvier, lorsque un Bisontin a publié ce message sur Twitter

S’ensuit alors un échange de tweets

L’image est ensuite publiée sur Facebook et partagée par de nombreux Bisontins.
Beaucoup « aiment » – les fourbes ! … Bah oui, un véhicule de la fourrière tombé dans le Doubs… On peut les comprendre…

A 16h51, Macommune.info emporte le scoop en publiant un article comportant une autre photographie prise par « un internaute » ainsi que son témoignage. (capture d’écran de la page)

Pourtant dans cet article aucune précision sur les circonstances de cet accident. Pas non plus de nouvelles rassurantes du conducteur.
Le site Macommune.info n’aurait tout de même pas publié cette information sans la vérifier sur la seule foi d’un témoignage transmis par mail ? Juste pour faire du sensationnel ? Nan ???

Évidemment que non ! Nous avons affaire à des journalistes avec une exigence déontologique comme nous le confirmait ce reportage diffusé dans le JT de midi de France 3 Franche-Comté en date du 6 janvier dernier. Extrait (le site dijonnais dont il est question dans l’extrait est Dijonscope) :

C’est clair, la carte de presse ça change tout… Les journalistes vérifient les infos, mènent des investigations et tout ça. Respect.

Et pourtant…

Reculons d’une journée. Samedi soir, Macommune publiait un billet étrange intitulé  » Confrontation violente entre jeunes et policiers à Besançon » . Au menu, des heurts violents entre « jeunes » alcoolisés et forces de l’ordre, à la sortie de certains bars, dans la nuit de vendredi à samedi. Ce qui est étrange c’est la deuxième partie du billet. Ce sont des propos rapportés entre guillemets :

« Le centre de Besançon va de mal en pis. Quand les autorités municipales se rendront-elles compte de ce qui se passe dans les rues de leur ville… Arrêtons d’affirmer que tout va bien quand tout va mal plusieurs nuits par semaine.
Quand va-t-on imposer au bars de limiter et de contrôler les entrées, de respecter les règles de sécurité à l’intérieur de leurs établissements, de limiter la consommation d’alcool et d’arrêter, par mercantilisme pur et dur, d’enfreindre les lois sur la distribution d’alcool
», écrit un témoin des scènes de violence.

« écrit un témoin » ?? Est-ce à dire que la personne dont les dires ont été rapportés par Macommune n’a fait que transmettre son témoignage… par email ?

Naïf que je suis. Je pensais que tous les journalistes titulaires de cartes de presse rencontraient leurs sources ou tout du moins leur passaient un petit coup de fil, histoire de « jauger » leur crédibilité…

Testons

Pour en avoir le coeur net : montons un fake (un faux, un canular) et voyons ce qui se passera. Je sais c’est mal.

Scénario :

1. Sur Twitter, un Bisontin diffuse une photo en twittant en substance : « Ah ah la voiture de la fourrière nage sur le Doubs ! #besancon »

Coulisses du photomontage n°1

2. La communauté bisontine présente sur Twitter réagit et lui demande des précisions.

3. Le témoin précise alors que la photo a été prise il y a environ 40 minutes afin que quelqu’un qui se rendrait sur place pour vérifier ne trouve plus rien.
Il précise aussi avoir vu le conducteur sur le quai en train de courir pour remonter, téléphone à l’oreille.
Notre témoin n’a pas vu ce qui s’est passé avant. Il pense que la voiture ne coulait pas. Il a dû partir ensuite.

4. Quelques minutes plus tard, un autre témoin (bidon) envoie une autre photo à la rédaction de MaCommune…. avec son témoignage écrit que voici :

bonjour
je vous envoie cette photo. Je l’ai prise tout à l’heure vers 3 heures moins le quart en face de Bellevaux. Un véhicule était dans l’eau au niveau du parking puis ile courant l’a fait tourner et il s’est enfoncé dans l’eau. C’est la seule photo que j’ai fait. Il n’y avait personne dedans mais un employé (peeut être le conducteur) était sur le quai et téléphonait quand la voiture a commencé à couler. Si ça vous semble itnéressant faites-en bon usage.
René Bonnard (fidèle lecteur et habitant Velotte)

Coulisses du photomontage n°2

Le temps de trouver un ou deux complices et…

Et attendons…

Pas bien longtemps puisque moins d’une heure et demie plus tard, Macommune publie son article avec la photo et le témoignage écrit (et une faute en bonus).

Un coup de fil au commissariat ou à la fourrière aurait suffi pour en savoir plus et – en l’occurrence – cela aurait permis aux journalistes titulaires de cartes de presse de Macommune.info d’apprendre qu’il s’agissait d’un gros bobard.

Mais non, rien de tel n’a été fait. Point non plus de demande adressée au témoin afin de le contacter par téléphone et de jauger sa crédibilité. Le faux René Bonnard n’a reçu que ceci en réponse à son mail :

Et puis Twitter n’est-ce pas, n’est pas une source en soi… il s’y dit des vérités et des bêtises aussi. Trier le bon grain de l’ivraie est une étape obligée. Sans quoi…

Aller on se le refait juste pour le plaisir et n’oubliez pas : consommez de l’info c’est bien mais sans perdre son esprit critique, c’est mieux

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Mise à jour (lundi 9 janvier à 7h55)

L’article a été effacé du site Macommune.info quelques minutes après la publication de ce billet.

Il faut dire que l’Est Républicain – dans son édition du jour – a fait de cette affaire son billet d’humeur. Il semble qu’à l’Est Républicain ont ait passé les coups de fil indispensables à la vérification de l’information. CQFD

Dans la matinée, Macommune.info publie un « rectificatif », précisant qu’il s’agissait en fait d’un canulard canular et que la photo était « un montage transmis à la rédaction par un lecteur mal intentionné… ». Excès de confiance dites donc.

Mal intentionné le René Bonnard… quel sale type oui !  En même temps une bonne leçon c’est toujours positif non ?

C’était la première fois parait-il. Pas si sûr, rappelez-vous…

Un article qui jette le trouble…

Jeudi 4 novembre, en début de soirée, le site d’information Macommune.info bien connu des Bisontins a publié un article tout à fait troublant.
Voici son titre :

Besançon: une agression raciste sur le chantier du tramway ?

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Un article qui trouble par son contenu

Le témoignage rapporté au style indirect d’un homme qui dit avoir assisté à l’agression d’un « homme de couleur » (formulation employée dans l’article) par ses collègues de travail sur un chantier bisontin.

Des photos illustrent l’article. Elles ont été prises par le témoin en question. On y voit trois hommes en habits de chantier dont l’un est étendu sur le sol. Un troisième homme « en habits de ville » est également présent. La scène est confuse et pourrait être interprétée de nombreuses manières. Tous les visages sont floutés ainsi que le nom de l’entreprise sur la baraque de chantier, en arrière plan.
L’article précise que le témoin a interpelé les hommes qui auraient évoqué un amusement à l’heure de la pause de midi.

D’après Macommune.info, le témoin aurait également alerté le Maire de la ville par courrier en évoquant « une agression gratuite (raciste, bizutage…) sur un homme de couleur très choqué après l’agression ».

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Un article qui trouble
également par sa forme :

Les faits sont rapportés par un témoin mais aucune mention n’est faite d’une quelconque enquête journalistique visant à confirmer ou infirmer les faits ;

Ce dernier point n’a d’ailleurs pas échappé à plusieurs lecteurs de l’article qui le manifestent dans leurs commentaires :

Le boulot de journaliste ne se limite pas à publier des photos, il aurait peut-être fallu enquêter et publier les résultats de cette enquête non ?

Manque de sérieux, et cela donne l’impression d’une info de blog! Pour l’audience les journalistes sont décidément prêt à tout!

Il me semble qu’on est quand même bien proche de la diffamation…

La rédaction de Macommune écarte ce risque dans un commentaire en réponse à ceux qui précédent (et à d’autres) :

(…) Si les dires du témoin sur le déroulement de la scène ne se vérifient pas, personne n’aura été mis en cause. Ni les acteurs de la scène, ni le nom de l’entreprise ne sont identifiables sur les photos publiées. (…)

Et pourtant… si les visages et le nom de l’entreprise ont effectivement été floutés, cette précaution est réduite à néant par la localisation des faits qui est donnée avec précision dans l’article.

De plus, ce chantier se trouve près d’une avenue très fréquentée et à proximité d’un quartier de grands immeubles. Chaque lecteur de Macommune.info habitant à proximité ou y passant régulièrement peut très facilement, maintenant qu’il connaît l’adresse, repérer la baraque de chantier, lire le nom de la société et apercevoir les ouvriers qui y travaillent
Ce vendredi, je n’ai eu aucune difficulté à retrouver l’endroit tant les informations données dans l’article étaient précises. Aucun ouvrier à ce moment-là mais le nom et les coordonnées de l’entreprise parfaitement lisibles sur la baraque de chantier. Impossible de les manquer.
Donc si les dires du témoin ne se vérifient pas, les protagonistes, à l’instar de l’entreprise auront clairement été mis en cause. Les précautions protégeant leur identité étant insuffisantes.

J’ai pris cette photographie ce vendredi 5/11 vers 17h15. Le nom de la société est masqué de bleu.

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Un article qui trouble aussi dans l’interprétation qu’il donne des faits :

Le titre tout d’abord, racoleur accrocheur et effrayant mais délicieusement ponctué d’un point d’interrogation qui semble nous susurrer à l’oreille : « ce qu’on vous raconte ici est très grave mais on n’en est pas sûrs, donc si vous y croyez à tort, on n’y est pour rien. »

Pourquoi ensuite mettre en avant l’hypothèse raciste sous prétexte que l’homme prétendument agressé était noir (oui j’ose l’écrire) ? L’agression supposée n’est-elle pas déjà en soi inacceptable ? Si racisme avéré il y a, il constitue évidemment une circonstance aggravante ; mais faut-il tout de suite chercher à interpréter cette violence ? Le fameux témoin a-t-il entendu des mots, des injures qui vont dans le sens de cette interprétation et qui constitueraient sinon des preuves, au moins des indices ? Nous n’en saurons rien. L’article ne le précise pas.

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Alors pourquoi cet article sur ce site d’information local ?

Pour informer ?

Dès le titre, on nous parle du chantier du tramway ? C’est un détail mais personne n’a vérifié la nature réelle de ce chantier… qui n’a semble-t-il rien à voir avec le tram mais vise à la rénovation du réseau d’assainissement en lien avec la future caserne de pompiers…

Plus sérieusement, si l’intention avait été d’informer, pourquoi ne pas avoir cherché à vérifier la véracité de ces faits en tentant d’interroger les ouvriers ou en appelant l’entreprise qui les emploie ? Un journaliste n’est-il pas tenu de vérifier l’information qu’il donne ?

Quand certains journalistes se comportent comme des blogueurs ça donne furieusement envie aux blogueurs de jouer les journalistes… vis ma vie quoi !
J’ai donc osé appeler l’entreprise en question dont les coordonnées se trouvaient à l’endroit indiqué par Macommune.info.
Le responsable de la communication auquel j’ai pu parler est tombé des nues. Il n’avait pas encore entendu parler de cet article et l’a découvert pendant notre conversation. Aucun journaliste ne l’avait encore contacté.
Il m’a fait savoir que sa société se réservait le droit de porter plainte pour diffamation et n’a pas souhaité s’exprimer (surtout au téléphone) sur la scène troublante que l’on voit sur les photos. A suivre donc.

Un article pour dénoncer ?

Cette hypothèse semble la plus probable. D’ailleurs, voici la fin du commentaire publié par la rédaction de Macommune.info et que j’ai cité partiellement plus haut :

En revanche, s’il s’avère que cet acte est réellement raciste, nous aurons contribué à alerter les autorités compétentes. La balle est désormais dans leur camp. Elles se doivent de vérifier ce qui s’est réellement passé.

Tiens, je pensais que c’était aussi le rôle d’un journaliste que de vérifier ce qui s’est réellement passé… avant de publier.

Quant à ce fameux témoin n’aurait-il pas dû alerter directement la police lorsqu’il a assisté à ces faits plutôt que d’adresser son témoignage et ses photos à d’innombrables correspondants potentiellement intéressés ?

Photographier une agression supposée au lieu de prévenir les forces de l’ordre ne constitue-t-il pas un comportement de non assistance à personne en danger ?
Si enquête des « autorités compétentes » il y a, ne sera-t-elle pas faussée par les éléments déjà diffusés par ce site d’information ?

En définitive, n’assistons-nous pas ici à deux dérives inquiétantes ?

  • la dérive d’une certaine presse qui, pressentant le scoop à portée de clic, publie et interprète des information sans en vérifier l’authenticité et ne se soucie pas non plus des éventuels « dommages collatéraux » qu’elle peut causer ;
  • la dérive d’une forme de dénonciation citoyenne utilisant courriels et clichés numériques pour satisfaire son besoin de reconnaissance médiatique.

Pour information se trouve sur cette page la Charte des devoirs professionnels des journalistes français. Extraits :

Un journaliste digne de ce nom :

  • prend la responsabilité de tous ses écrits, même anonymes ;
  • tient la calomnie, les accusations sans preuves, l’altération des documents, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles ;
  • ne confond pas son rôle avec celui du policier.