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Affaire « bisonpeint » : réécoutez le Forum de la presse de France Bleu Besançon

L’affaire « bisonpeint » comme on l’appelle désormais n’en est qu’au début de ses développement. On y reviendra d’ailleurs dans un prochain billet.

En attendant, vous devriez écouter le Forum de la Presse de France Bleu Besançon de ce vendredi 10 janvier 2014.
Christelle Caillot (France Bleu), Sophie Guillin (France 3) et Bernard Payot (l’Est Républicain) reviennent sur cette affaire et le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne mâchent pas leurs mots.

Quant à vous les Bisontin(e)s vos avis sur cette affligeante affaire sont les bienvenus dans les commentaires.

 

Le tram de Besançon pris en flagrant « déni » de pavés chinois

Ce mercredi 6 novembre, nous découvrions dans l’Est Républicain un article sur les ouvriers qui posent les pavés sur le parcours du tramway de Besançon.

On y lisait notamment ce passage dans lequel Jean-Charle Cuenot, directeur du groupement en charge de la pose des pavés, explique :

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La partie surlignée en jaune n’a pas échappé à Michel Omouri (conseiller municipal UMP) qui publie le 8/11 un billet en forme de communiqué sur son blog.
Et voilà notre élu qui s’indigne de ces emplois occupés par des « paveurs portugais méritants ». Et de poursuivre en pestant contre ces « pavés chinois low-cost » . Et d’extrapoler enfin avec ironie sur « la qualité connue des productions chinoises » .

C’est de bonne guerre. Michel Omouri est élu d’opposition et nous sommes en pleine campagne pour les Municipales. Toute polémique est bonne à prendre. Mais disons-le, venant d’un sarkozyste patenté, le coup de la vierge effarouchée par le grand vilain libéralisme, c’est assez bluffant.

Des pavés chinois ?

paves (2 sur 1)De mon côté cela fait déjà quelques mois que je collecte des informations sur ces fameux pavés. Ils m’ont attiré l’œil dès le mois de mars dernier quand ils ont été stockés de manière très photogénique sur la place de la Révolution.

Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué, les palettes sur lesquelles nos pavés sont conditionnés portent toutes une affichette. On y trouve des informations sur leur type, leur référence, le code correspondant à leur coloris, leurs dimensions et… leur provenance.

Exemple d’une affichette photographiée place de la Révolution en mars 2013. Observez le logo en haut à droite ainsi que les lettres soulignées.

affichette

XMSXD c’est Xiamen San Xiang Da, une société chinoise poids lourd de l’export de granit chinois vers le reste du monde. Extrait de la page de présentation de leur site Web :

Les pierres proposées proviennent principalement de Fujian, Shandong, Hebei, Nanjing, Guangdong etc.
Aujourd’hui SANXIANGDA exporte aux quatre coins du monde et notamment en France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Nouvelle-Zélande, Maroc, Algérie, Portugal, Italie, Suisse, Grèce, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Australie, Corée, Japon, Brésil, Dubai etc. La capacité d’exportation de SANXIANGDA est d’environ 3,000 containers par an.

Tiens, au passage, une information qui devrait en partie consoler Michel Omouri : Xiamen San Xiang Da est une filiale du groupe français VM Matériaux à Xiamen.

Alors ces pavés chinois, une surprise ?

Si Michel Omouri avait lu plus attentivement l’Est Républicain du 24/11/2012, il aurait déjà pu lancer cette polémique il y a presque un an. On y lisait un article de Serge Lacroix en forme de compte-rendu d’une matinée où la presse était invitée « par Jean-Louis Fousseret, en sa qualité de président de l’agglomération, à venir découvrir les quelques 14,5 kilomètres de tracé du chantier du tramway » .

À la fin de ce billet, nous apprenions :

Le tronçon Est, quant à lui, prend plus de temps, sauf place de la Révolution où les travaux de dallage seront les seuls à utiliser des pavés de Chine, pour être raccord. Ailleurs, les pavés viennent d’Espagne ou du Portugal.

Donc rien de nouveau sous le soleil. Les pavés chinois de la place de la Révolution étaient annoncés il y a un an déjà.

Les explications officielles

Le jour suivant le communiqué de Michel Omouri, un nouvel article paraît dans l’Est Républicain. Il revient sur cette polémique et donne la parole à Pascal Gudefin – chef du projet Tram – qui s’efforce de désamorcer en expliquant :

« Nous sommes dans un système économique li­béral (…) où s’exerce la libre concurrence. Pour tout projet d’aménagement, des appels d’offres sont lancés. Et ne pas choisir des fournisseurs au prétexte qu’ils sont chinois reviendrait à faire du favoritisme, ce qui est répréhensible. »

Puis d’ajouter concernant le coût et la qualité  des pavés :

« Par rapport à de la pierre française, leur coût est inférieur de 20 %. »

« Il va de soi que des garanties ont été demandées, et que ces pavés ont subi de nombreux contrôles. Leur qualité est irréprochable, tant pour leur résistance au gel que pour leur capacité à accepter le poids de véhicules lourds porteurs. »

Déminage

L’article de l’Est Républicain se poursuit et Pascal Gudefin achève de déminer la polémique :

[Pascal Gudefin] précise également que tous les pavés, loin de là, ne pro­viennent pas d’Asie. « Les chinois sont ceux qui sont de plus petite taille », explique­-t-­il. Ils sont posés sur une partie du quai Veil Picard, et sur la place de la Révolution.

Mais voilà, à l’évocation de pavés chinois sur le quai Veil Picard, l’auteur de l’article s’est soudainement rappelé de son billet de novembre 2012. Ce billet précédemment évoqué et dans lequel il relatait cette fameuse matinée « découverte du tram ». Et plus précisément lorsqu’il avait écrit que place de la Révolution « les travaux de dallage seront les seuls à utiliser des pavés de Chine, pour être raccord . »
Est-ce à dire que l’on promettait des choses en l’air il y a un an avant l’attribution des marchés ? Tiens tiens…. Ni une ni deux, notre reporter décide alors d’aller vérifier par lui-même sur le parcours du tram si on lui a bien dit toute la vérité …

Non, non, non… J’ai un peu extrapolé là, c’est vrai. En fait, ce dernier paragraphe n’est que science fiction. Personne à l’Est Républicain n’a fait ça. On s’est contenté de diffuser la version officielle telle que le chef du projet de Tram l’a fournie prête à imprimer. Et tout cela sans relever que cette version avait évolué depuis l’an dernier. Voilà qui aurait pourtant pu mettre la puce à l’oreille.

Et pourtant…

Et pourtant des pavés chinois, on n’en trouve pas seulement place de la Révolution à Besançon. La ville de Besançon m’avait d’ailleurs répondu sur ce point via son compte Twitter le 22 août dernier :

twitter-aout

twitter

Dès août l’information avait donc été donnée officiellement : les pavés viennent tous de Chine et on ne les trouve pas seulement place de la Révolution et quai Veil Picard… comme on continue pourtant trois mois plus tard à le dicter à la presse quotidienne.

Et si on vérifiait ?

Samedi 9 novembre, jour de la parution de ce dernier article de l’Est Républicain, je suis monté sur mon vélo électrique (pièces chinoises, assemblage bisontin) équipé de mon smartphone (assemblé en Chine) afin de prendre quelques photos ; avec comme objectif de vérifier cette version officielle lue dans mon journal du matin :

capture

Sur le tronçon Chamars, Grette, Planoise, Hauts du Chazal, je ne trouverai rien : les pavés sont déjà posés et tout est « clean ». Direction donc la partie Est du parcours du tram. Les parties pavées se trouvent principalement aux endroits piétonniers, sur les axes proches de la boucle et sur les places.
C’est parti :

  • Avenue Cusenier où les travaux de pavage battent leur plein :

Cusenier
Nous sommes à 400 m de la place de la Révolution et malgré la « version officielle », les palettes regorgent de pavés chinois estampillés XMSXD.
Et oh ! Suprise ! Ce ne sont pas seulement de « petits pavés » mais aussi de belles dalles de plus de 60 cm de long. Ne devaient-elles pas provenir d’Espagne ou du Portugal ?

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Certaines sont même désignées « bordure » :

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  • Un passage place Flore où le pavage va bon train.
    Là aussi, on trouve des pavés XMSXD :

 Mais aussi du Anjou Granit Import… made in China :

Et des dalles plus grandes dont celles-ci de 60 x 60 cm :

  • Allons maintenant du côté des Vaites. Là le tracé du tramway est moins avancé. Sur un terrain vague, le long du chemin du Vernois, sont stockés les pavés, dalles et bordures de granit qui vont être employés sur la fin du tracé Est.

Et là aussi, surprise. Un peu partout :

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On y trouve même de « petits pavés » d’un mètre de long. Ce sont des dalles en relief pour les non-voyants :

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  • Retour sur le quai Veil Picard dont seuls les « petits pavés » sont supposés venir de Chine…  C’est loupé :

 

En vérité, les petits pavés de droite ET une bonne partie des dalles (pour ne pas dire toutes) que l’on voit à gauche sur la photo viennent de Chine. Les affichettes présentes sur les nombreuses palettes en attestent.

 

Quand à la place Jouffroy d’Abbans en cours de travaux, elle aussi sera recouverte de pavés chinois :

La référence de granit G682 n’est en effet produite qu’en Chine :

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Un petit tour de vélo aurait donc suffi à barrer les mentions inutiles mensongères avant publication. Encore faut-il avoir un vélo.

mentions-inutiles

 Au fait, acheter des pavés chinois, c’est mal ?

Ne nous voilons pas la face. Il a bon dos Michel Omouri de tomber des nues en découvrant que Besançon s’apprête à faire rouler son tramway de marque espagnole sur des pavés chinois. Le granit chinois inonde littéralement le BTP mondial depuis le début des années 2000. Et M.Omouri sait très bien que ce n’est pas l’apanage des villes de gauche que de l’utiliser. Nombre de villes UMP en sont également pavées.

« Les Chinois ont débarqué il y a cinq ans et se sont adjugé depuis la majorité des gros marchés, comme les réseaux de tramways », confirme Philippe Robert, PDG de La Générale de granit, l’une des premières graniteries de France, basée à Louvigné-du-Désert, en Ille-et-Vilaine.
En 1997, la France avait importé 186 tonnes de pavés ou bordures chinois. En 2002, les importations ont atteint 29 398 tonnes et, au premier trimestre 2003, la Chine est devenue officiellement le premier exportateur mondial de granit. Un matériau proposé en moyenne de 30 à 40% moins cher que la production française.
l’Express – Le granit chinois écrase tout (23/10/2003)

Un granit moins cher pour diverses raisons : un coût de la main d’œuvre moins élevé, des conditions de travail moins exigeantes et dont au final on ne sait pas grand chose…  Des contraintes environnementales, fiscales et sociales bien plus souples que celles que nous connaissons en Europe… Autant de raisons qui font que les granitiers français de Bretagne ou des Vosges par exemple ne peuvent plus s’aligner et disparaissent petit à petit. Même le tramway de Brest utilise deux tiers de pavés chinois sur son tracé, c’est dire.

Mais que faire ? Les appels d’offres suivent des règles bien précises et même si l’on pouvait passer outre en y intégrant des exigences de coloris ou de types de granit produit uniquement en Bretagne par exemple, que dirait cette fois les élus d’opposition : que c’est trop cher ? Aurions-nous d’ailleurs les moyens de nous offrir un revêtement en granit à ce prix-là ? Pas sûr.

À la vérité, c’est le système global qui se mord la queue. Les règles de notre système libéral mondialisé nous poussent à scier la branche sur laquelle nous sommes assis.
Nous aurons nos pavés moins chers grâce au granit de Chine ? Soit. Nous sommes satisfaits. Les carrières de granit des Bretagne sont loin d’ici et ça n’entraînera pas de chômage chez nous.
Par contre, les Bretons… dites, ce serait sympa d’acheter Peugeot quand vous changerez de voiture, hein ? Ça crée des emplois chez nous vous comprenez ?

Oui je sais, c’est un peu simpliste mais il y a un fond de vrai, non ?

Et quid de la qualité ?

Là dessus on est en droit de dire… « qui vivra verra » car d’autres villes ont connu des précédents fâcheux. Notamment à Toulouse et Belfort, où il y a quelques années, la place Corbis fut entièrement pavées d’un granit chinois qui ne résista par aux frimas de l’hiver comtois. Alors certes le chef du projet Tram nous promet « une qualité irréprochable » mais comment le croire après ce flagrant « déni » de pavés chinois ?

Pourquoi toutes ces cachoteries ?

Visiblement cette polémique dérange. Elle est lancée par un élu d’opposition à quelques mois des élections municipales. Alors on préfère atténuer les choses en prenant des libertés avec la vérité, au risque finalement d’amplifier ladite polémique : juste des petits pavés, de tout petits pavés et seulement place de la Révolution et un peu sur le quai Veil Picard. Ben voyons…

Peut-être souhaite-t-on également ménager la sensibilité des nombreux aficionados locaux (élus pour certains) d’Arnaud Montebourg et de son combat (au moins médiatique) pour le redressement productif… Des pavés chinois ? Et des gros ? Nombreux en plus ? Vous n’y pensez pas ?

Quant à l’Est Républicain on ne peut pas lui en vouloir d’avaler les couleuvres d’un si fidèle annonceur. Et puis creuser dans le granit, fût-il chinois, c’est bien trop fatigant.

 

Toutes les photos prises lors de ma petite balade à vélo
sont géolocalisées sur cette carte.

Poelvoorde pique. Fousseret mord. Besançon trinque.

Cette semaine, Besançon a fait les gros titres à cause d’un fait au demeurant bien anodin. À l’arrivée, un bad buzz dont l’image de la ville aurait pu faire l’économie.

Au départ, il y a cette interview de Benoit Poelvoorde dans la Nouvelle République (30/06). Alors qu’il répond à une question sur sa pratique d’Internet, le comédien belge que l’on savait provocateur et plutôt drôle fait une sortie acerbe sur Besançon, son climat, l’ennui profond qu’il y a ressenti et le respect qu’il ressent pour ceux qui… y vivent :

– « Je n’ai pas Internet là-dessus et heureusement ! Moi, je m’abonne à Twitter, je suis en prison en deux jours pour insultes, diffamation ! Surtout que je dis n’importe quoi quand j’ai un verre dans le nez. J’imagine si j’avais eu ça à Besançon ! »
Qu’est-ce qui s’est donc passé à Besançon ?
– « J’y ai tourné La Guerre des miss de Patrice Leconte et si je garde un excellent souvenir des habitants, je crois que c’est là que je me suis le plus ennuyé de ma vie et donc que j’ai le plus bu !
« Tu regardes devant toi, il y a le soleil ; tu te retournes, il grêle ! Regardez bien les gens qui font la météo, ils cachent toujours Besançon ! Les gens qui survivent à Besançon ont tout mon respect ! On ne peut y tourner que des films sur la fin du monde ou les tueurs en série ! Non, je rigole, hein ! Ils sont très bien à Besançon… »

 

Voilà donc un Benoît Poelvoorde un brin trolleur mais pas forcément au top de sa répartie comme on d’ailleurs pu le constater dernièrement au 20h de TF1.

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Cette citation aurait pu passer inaperçue si le Parisien n’avait publié le 4/07, un billet titré « Les gens qui survivent à Besançon ont mon respect. »

Pourquoi le Parisien a-t-il relevé cette citation ? Pour tenter un buzz Paris vs Province toujours bienvenu en pleine torpeur estivale (plutôt Bruxelles vs Province en l’occurrence) ? Peut-être aussi parce qu’Aurélie Rossignol, l’auteur du billet, a étudié à l’IUT Info-Com de Besançon et qu’elle a gardé (au choix) :

  • une dent contre la ville (gnarf gnarf, il a bien raison Poelvoorde) ;
  • un bon souvenir de Besançon (ne laissons pas dire n’importe quoi sur cette chouette ville que j’ai tant aimée)…

Bref, le billet du Parisien sort, il commence à tourner sur les réseaux sociaux (surtout Franc-Comtois). A partir de là, trois manière de réagir s’offrent à la ville de Besançon :

      1. Faire le dos rond
        Ne pas réagir et attendre que cette actualité n’en soit plus une. Aucune dépêche AFP à l’horizon, c’est l’été ; il n’y a pas le feu au Doubs…
      2. Communiquer intelligemment Et pourquoi pas retourner la situation à son avantage : une dose d’opportunisme, une once d’humour et un soupçon d’autodérision. Il y a à peine deux mois, alors que Besançon s’en était pris une bonne sur Fun Radio, le directeur adjoint à la communication de la ville avait su s’y prendre de la sorte. A l’arrivée une dizaine de minutes gratuites d’antenne à une heure de forte audience durant lesquelles la ville aura su faire parler d’elle autrement qu’en mode protestataire et en luttant contre les moulins à vents de clichés anti-provinciaux.
        Dans le cas qui nous intéresse, on imagine une caisse de Bisontine adressée à Benoit Poolvoerde et accompagnée d’un petit mot du type : « Vous ne l’aviez peut-être pas remarqué lors de votre séjour mais nous avons aussi à Besançon une excellente eau du robinet. Nous espérons qu’elle vous fera le plus grand bien et saura vous donner l’envie de revenir nous voir. Auquel cas nous répondrons présents pour vous montrer tous les autres aspects positifs de notre ville. »Un double du petit mot à la presse et zou : bonne réaction, pub gratos. S’en sortir par le haut.
      3. Répondre frontalement et connaître les joies de l’effet Streisand
        C’est souvent la plus mauvaise solution en terme de communication institutionnelle car elle crée une polémique dont la presse et les réseaux sociaux sont friands. C’est l’effet Streisand garanti : le fait de départ (la citation de Poelvoorde) qui aurait pu rester inaperçu, bénéficie d’une couverture médiatique provoquée par la polémique qui visait à en amoindrir l’effet. En définitive, cela ne peut pas profiter à l’offensé qui ne fait qu’encourager la diffusion de l’offense. Cercle vicieux.

 

Dans le cas de « Besançon contre Poelvoorde », comment la ville a-t-elle réagi ?

Etonnamment, c’est la pire des solutions qui a été retenue. Mais vraisemblablement, les services de la ville n’y sont pour rien dans ce choix. Le service communication et son utile expérience de la « gestion de crise en terrain médiatique miné » a même été totalement squizzé.
C’est le maire de la ville – Jean-Lous Fousseret lui-même – qui a réagi en accordant illico une interview à l’Est Républicain (le jour même de la sortie du billet du Parisien).

Extraits :

« J’ai le plus grand respect pour ce comédien, mais je trouve que les artistes ont une fâcheuse tendance à déraper, à ne pas suffisamment réfléchir aux conséquences de leurs paroles… »
« Je pense qu’il aurait dû venir me voir lors de son passage ici, j’aurais été son guide et je suis sûr qu’il aurait retenu autre chose de notre ville. Il serait bien qu’il se cantonne à faire rire, ce qu’il sait très bien faire. Moi, je ne saurais pas le faire, alors je ne m’y aventure pas. Que chacun reste à sa place. Enfin, si je peux me permettre, il devrait aussi calmer un peu… L’absinthe ! »

À partir de là, que pouvait-il se passer ? La polémique est lancée et elle est reprise par de nombreux sites d’actualité en ligne. Les plus people s’en délectent. Les réseaux sociaux en font des gorges chaudes.
Le problème, voyez-vous, c’est que les gens adorent les trolleurs pour les réactions de courroux qu’ils provoquent. Et dans ce genre de situation, c’est injuste mais c’est comme ça : c’est l’offensé qui passe pour un couillon.

Les lecteurs de cette polémique retiendront donc que le maire de Besançon se met en pétard quand on dit du mal de sa ville et qu’il n’a pas d’humour. Quant à savoir vers le discours duquel ira leur bienveillance : le politique ou l’humoriste ? J’ai peur que…

JLF-Poelvoorde

 

Priorité à la communication interne

Alors ? Pourquoi notre maire a-t-il choisi la plus mauvaise des solutions pour répondre à cette boutade (pourtant pas « de Dijon ») ? Jean-Louis Fousseret avait pourtant forcément en mémoire la réaction comparable du maire de Montbéliard lorsqu’une pique de Djamel Debbouze sur « les moches » de Montbéliard avait fait grand bruit en décembre dernier.

Peut-être qu’il y a un an, on aurait laissé la com’ éviter l’effet Streisand mais voilà, nous sommes en juillet 2013 et ça ne vous a sans doute pas échappé, nous sommes à huit mois d’une échéance électorale majeure : les élections municipales de 2014.
Depuis quelques mois, beaucoup ont remarqué l’inflation des réactions, communiqués et autres conférences de presse du maire de Besançon sur beaucoup de sujets chauds concernant la ville. Surtout ceux touchant à la sécurité de ses administrés (cambriolage, vandalisme). Se montrer comme un maire protecteur est crucial à l’approche des élections.  Apparaître en défenseur de l’image et de l’honneur de sa ville peut également être porteur électoralement parlant.

Mais pas facile de communiquer quand on est maire et potentiel futur candidat à sa propre succession. Difficile et dangereux à l’approche d’une élection. Dangereux car le code électoral interdit d’utiliser la position du maire et les finances municipales pour promouvoir le candidat. Il faut parfois jouer sur des œufs et se méfier des éventuels procédures post-électorales.
Jean-Louis Fousseret sait parfaitement qu’il y a « en face », un candidat d’opposition déjà déclaré – Jacques Grosperrin – qui est très mauvais perdant et a la procédure facile… Alors jusqu’en mars 2013, les inaugurations et autres festivités organisées par la ville en présence de la presse deviennent terrains minés.

Or voilà que s’offre une opportunité de se montrer  sans risque et avec une visibilité nationale garantie. De surcroit, en enfilant la cape du maire défenseur de sa ville et de l’honneur de ses habitants. Y’a pas à hésiter.
Habilement (ou pas) conseillé par un cabinet entièrement dévolu à sa (ré-)réélection, Jean-Louis Fousseret – n’hésite pas alors à dégainer des propos cinglant à l’encontre de celui qui dénigre sa ville, fusse-t-il un people renommé et populaire.
Tant pis pour l’effet Streisand que sa réaction courroucée a enclenché. Et tant pis pour les dégâts sur l’image de la ville. Tout cela c’est l’affaire des gens de la com’. L’important à huit mois des élections c’est avant tout le message envoyé en interne aux Bisontins et aux Bisontines : votre maire ne laissera pas dire n’importe quoi sur votre ville. C’est une question d’honneur. Ça mérite bien une petite réélection, non ?

Malheureusement, à cause de cette polémique partie de rien, la France entière (sans oublier la Belgique) aura lu la boutade de Benoît Poelvoorde et malgré l’opportuniste coup de gueule de notre maire, beaucoup auront pensé qu’il n’y a pas de fumée sans feu et… pas de soleil sans grêle à Besançon.