Je ne résiste pas au plaisir de partager cette petite découverte que je viens de faire dans les archives du Petit Comtois, « Journal Républicain démocratique quotidien » qui parut de 1883 à 1944.
C’était il y a cent ans, le samedi 26 avril 1913. Le quotidien publiait ce jour-là une « tribune publique » écrite par un commerçant anonyme signant « Un commerçant qui demain sera lésé aussi« . La voici :
Quelques jours plus tard, dans le Petit Comtois du 29 avril 1913, un épicier visiblement « soupçonné » d’être l’auteur de la chronique dont il est question, demande au quotidien de le « disculper » :
Ainsi les années passent mais les conséquences d’un chantier de l’ampleur de celui d’une ligne de tramway restent les mêmes : des rues défoncées et des commerçants qui se plaignent des répercussions sur leur activité.
Voilà d’ailleurs la version 2012 si vous y aviez échappé :
Ils ont commencé à travailler dès le tout petit matin ce vendredi 14 décembre 2012. La maousse grue est de retour côté Battant. Les tronçons du nouveau pont lui sont livrés via le quai de Strasbourg. Et en marche arrière, oui Môssieur, histoire de faire un peu plus « bâtisseurs de l’extrème ».
Le spectacle attire de nombreux Bisontins qui, bras tendu, immortalisent l’événement en numérique. Dans cinquante ans, ils pourront dire « J’y étais », au moment où l’on construira un nouveau pont plus adapté au projet de métro du programme « Fousseret 2062 ».
N’empêche, ça fait plaisir d’entrer enfin dans la phase visible de construction du nouveau pont.
Pour mémoire, voici quelques photos et deux vidéos… (L’occasion de décongeler Dick Rivers…)
Non non ce n’est pas la dernière installation du Pavé dans la Mare.
Ce sont juste quelques câbles. Des câbles de cuivre qui véhiculent Internet jusque chez vous si vous habitez Battant et sans doute d’autres quartiers situés au nord de la Boucle.
Et ces petits câbles tellement importants trempaient aujourd’hui dans le Doubs le long de la passerelle Battant. Des débris flottants s’y étaient agglomérés et l’on imagine aisément que si un tronc flottant transporté par la crue était passé par là… il aurait pu tout arracher.
Pas grave. Indifférence générale sur le chantier où l’essentiel ce sont ces fichus délais qu’il faut tenir.
Juste des câbles qui pendouillent parmi d’autres. Tout va bien.
Visiblement, les leçons ne portent pas. Tout le monde semblent avoir oublié la coupure accidentelle d’un câble similaire, fin septembre. La panne priva d’Internet et de téléphone le quartier Canot-Grette-Butte. Une semaine fut nécessaire à la réparation. Alors bien sûr, quand on vous parle de coupure Internet vous pensez à Facebook qui va vous manquer un peu, beaucoup, pas du tout… Mais il y a aussi des entreprises et des administrations qui se retrouvent bien démunies dans ce genre de situation. Ce n’est pas anodin.
C’est donc via Twitter que l’alerte concernant nos « câbles nageant » a été relayée et heureusement, le compte Twitter de la Ville de Besançon est à l’écoute et a réagi en début d’après-midi :
@bisonteint @geryh L’entreprise de TP a été prévenue, ils s’en occupent au plus vite. Merci encore pour l’alerte.
Effectivement, ce soir vers 19h00, les câbles ne trempaient plus mais ils pendouillaient toujours aussi lamentablement… Le manque de précaution est manifeste et si ça coupe, on saura pourquoi.
La scène se déroule à Tver en Russie. On y voit 133 personnes sautant simultanément « à l’élastique » d’un pont situé au-dessus de la Volga. Images impressionnantes, idée insolite et forcément voilà une vidéo qui buzze sur le Web depuis quelques jours.
Alors une idée me vient. Je pense à nos commerçants bisontins en lutte contre le chantier du Grand Méchant Tram et ses effets négatifs sur le commerce local. Je pense à l’Union des Commerçants de Besançon (UCB) toujours à la recherche d’idées nouvelles et de coups médiatiques prompts à faire gagner à sa cause les gens de Besançon et d’au-delà.
Le chantage autour du passage du Tour de France ayant fait long feu, l’UCB a lancé récemment une pétition… Une de plus. Les pétitions, n’est-ce pas, ça fait tellement XXe siècle…
Alors pourquoi ne pas envisager un gros coup à la manière de nos jumeaux de Tver ?
Projetons-nous : nos braves commerçants se retrouveraient sur la passerelle Battant, au coeur du chantier (symbole) et 1 et 2 et 3 et… PLOUF dans le Doubs !
Bah oui, plouf. Forcément. Le coup des élastiques a déjà été fait et puis les gens de Tver avaient une bonne excuse pour s’éviter la Volga : l’eau y est froide.
Mais le Doubs en été, il n’y a pas d’excuse mesdames et messieurs les commerçants ! PLOUF donc.
Et quel plouf ! Un plouf sacrificiel exécuté sous les objectifs des médias locaux bien sûr, mais surtout sous les yeux médusés des Bisontins réunis sur les quais pour assister à l’événement.
Des habitants de la Boucle subjugués par le courage de leurs commerçants de proximité. Des Bisontins touchés en plein coeur (de ville). Des Bisontins jurant haut et fort que jamais, plus jamais ils ne se rendraient dans les grandes surfaces périphériques ou sur Internet pour faire leurs courses !
Des Bisontins qui se dirigeront alors tout de go vers la Sainte Maquette du tramway espagnol honni afin de lui jeter des tomates… espagnoles (zut !)…
Passerelle : Mon pauvre. Ça va dis ? T’as pas un p’tit creux sous le tablier ? 🙂
Pont Battant : Fais ta maligne gamine. Taquine-moi tant que tu peux. Au moins j’ai l’impression d’exister et d’être encore un peu utile.
Passerelle : Non vraiment, j’ai mal pour toi mon vieux. T’es devenu un vrai gruyère, une passoire.
Pont Battant : Ouais. Y’a plus que la pluie pour me traverser. Quelle fin minable, j’te jure…
Passerelle : C’est long non ?
Pont Battant : Tu m’étonnes. Des mois que ça dure. Mais là, j’aimerais qu’on en finisse.
Passerelle : C’est pour bientôt va. Les gens en parlent quand ils m’empruntent. Ils disent qu’ils vont te découper en tranches – schlac ! schlac ! – et évacuer tes restes dans des barges. 🙁
Pont Battant : Tu veux dire que je vais prendre le bateau ? Mais c’est mon rêve ça ! Depuis toujours !
Passerelle : Un solide gaillard comme toi avec des rêves de gosse !?
Pont Battant : Faut me comprendre. Ça fait presque soixante ans qu’ils me passent sous le tablier les bateaux. A chaque fois j’ai les piles qui me démangent mais je reste là comme un vieux danseur pathétique à faire le grand écart entre Battant et la boucle. Je les regarde s’éloigner, disparaître. Je m’accroche un moment aux dernières vaguelettes de leur onde.
Et après, je m’emmerde. Si tu savais comme je m’emmerde.
Passerelle : Allez ! T’es un Battant non !? Et puis t’es pas si vieux. Celui qui était là avant toi – le pont Romain – ils l’avaient gardé plus de mille ans !
Pont Battant : Je sais gamine. C’est ça le progrès. On appelle ça l’obsolescence programmée. Moi j’étais pas fait pour durer. C’est comme ça.
Passerelle : En tout cas, moi j’y prends goût à cette ville et à ces gens. J’aime bien vibrer sous leurs pas, résonner de leurs mots et de leurs rires. Ils ont un drôle d’accent non ?
Pont Battant : Profite, gamine. Parce qu’après moi, il y en aura un autre, tout neuf, et…
Passerelle : … je deviendrai inutile, je sais. Ils me démonteront, m’empileront, me rangeront et je retournerai – docile – dans mon camion. Je m’en irai vers un autre fleuve, une autre rivière… 🙁
Pont Battant : … et un autre condamné.
Passerelle : Je suis juste une remplaçante. A poor lonesome passerelle. Une fille de passage et rien de plus.
Pont Battant : Mais tu remplaces bien et j’aime que tu sois là, gamine.
Pourtant on pouvait lire dans l’Est Républicain de ce 8 mai 2012 (jour férié) :
« (…) à noter que deux entreprises ont obtenu des dérogations pour travailler le 8 mai, sous réserve de commencer après 9 h. Bouygues sur le pont Battant et Eiffage au giratoire de Micropolis. »
Tiens tiens… des salariés qui travaillent sur le chantier du tramway de Besançon un jour férié. Une ville à majorité de socialiste, pourtant.
Y aurait-il des pressions sur les délais de livraison du tramway ? Bah oui… L’engin tant attendu devra être sur ses rails le plus tôt possible. Il ne faut perdre aucun jour, aucune heure car plus tôt les trous seront rebouchés, plus tôt le goût amer des travaux sera passé et les rancoeurs associées oubliées.
La date fatidique c’est sans doute mars 2014. Non, ne rêvez pas, le tram ne sera pas encore en fonction mais il serait bon il est impératif qu’à cette date, le plus difficile soit passé, que l’on aborde la phase « propre » : les essais et la cosmétique.
D’ailleurs il y aura également des élections municipales en mars 2014. Il y a peut-être un lien.
C’était, il y a deux semaines (presque). Un vendredi noir que les Bisontins ne sont pas prêts d’oublier. C’était le vendredi du Grand Bouchon.
Soudain, aux alentours de 17 heures, tout s’est bloqué. Rues, boulevards, avenues… constipation circulatoire généralisée. Les Bisontins – couillons – sont restés là dans leurs boîtes à quatre roues parfois contraints de patienter pendant une ou deux heures à quelques centaines de mètres de chez eux.
Patienter. En voilà un doux euphémisme, car dans ce genre de situation on trépigne plus qu’on ne patiente. On hurle contre le connard-de-70 qui vient de la droite et tente de se faufiler à la Cosaque. On grogne contre le bus qui pue là, juste à côté. Et on injurie la donzelle qui feint de ne pas voir les autres véhicules – histoire de ne pas se sentir obligée d’en laisser passer quelques-uns.
Au milieu de cette occlusion routière, on oublie vite les bonnes manières. Courtoisie et gentlemanie à quoi bon ? En trois mots : ça rend con.
Au final, les Bisontins en sont sortis sains et saufs de ce grand embouteillage. De très mauvais poil, ils ont reintégré leur petit nid douillet et ont immédiatement oublié la donzelle, le bus et le connard-de-70. Par contre, il ont pointé du doigt LE VRAI RESPONSABLE.
Un responsable tout désigné qui n’avait pas besoin de ça pour être malaimé, le pauvre. Le tramway ! Le Grand Méchant Tram ! L’enfoiré ! Salopard va !
Ce satané tramway et son chantier qui vous retourne la ville façon Beyrouth-sur-le-Doubs… Bien sûr que c’est à cause de lui. Et ça ne fait que commencer. Paraitrait même qu’il faudrait trouver autre chose que la voiture pendant deux ans. Pour plus de tranquillité qu’ils disent. Vélo, trottinette, cheval, pieds… Non mais dingue quoi !
Il y en a pourtant que cette joyeuse pagaille pourrait bien servir à terme : je parle des ambitieux de l’opposition municipale (de droite). Pour eux, les nuisances dues au chantier du tram sont du pain béni. Eux n’en ont pas voulu de ce tramway. Ils le détestent et l’affublent de tous les maux : le tram est inutile, surdimensionné, il est espagnol, c’est une lubie du maire, un puits sans fond qui va plomber les impôts des Bisontins, etc. L’engin de malheur et les nuisances qui l’accompagnent offrent matière à taper, cogner, baffer la majorité municipale (de gauche) qui — elle — soutient son tramway corps et âme.
L’impopularité du tram disparaitra sans doute le jour où il sera réellement mis en circulation. Mais cet horizon est encore bien lointain et avant de l’atteindre, que de nuisances à venir !
Des nuisances et… des élections municipales, en 2014…
Les bouchons et le mécontentement qui va avec, voilà donc un sujet que l’on prend très au sérieux du côté de la Mairie de Besançon. Dès le lundi qui a suivi le Grand Bouchon, une réunion de crise s’y est d’ailleurs tenue. Branle-bas de combat, urgence, priorité absolue : il fallait trouver les raisons et les solutions. Pas possible que le Grand Bouchon devienne hebdomadaire, voire quotidien.
l’Est Républicain – 20/03/2012
Le vendredi suivant, les services municipaux ont donc pris quelques mesures de bon sens et surtout, la police municipale a joué le rôle de fluidifiant. Des agents à chaque carrefour à risque, un coup de sifflet par-ci, un regard autoritaire par-là et hop hop, tout s’est passé comme sur des roulettes. Mieux qu’un vendredi normal d’avant les travaux. Ouf !
On se croyait donc sorti d’affaire. Plus de vendredi noir à l’horizon.
On ne pourrait pas trouver mieux pour générer un nouveau bouchon record :
Micropolis, un point noir hautement bouchonnable,
un vendredi soir à 17 heures : on ne pouvait choisir pire heure,
Nicolas Sarkozy : fourgons de CRS, sécurité partout, des cars de militants qu’on achemine de tout l’Est de la France afin de simuler l’immense popularité du Président-candidat…
Voilà voilà… Nicolas Sarkozy aurait voulu mettre le feu dans une ville gérée par la gauche, il ne s’y serait pas pris autrement.
Mais au fait, pourquoi Sarkozy à Besançon ?
Il parait que les militants UMP Francs-Comtois faisaient le forcing depuis quelques semaines pour obtenir un meeting à Besançon. Eh bien c’est fait. Mais cette fois, si un bouchon monumental se produit, la responsabilité devra être co-assumée : le tram, Sarko et l’opposition locale qui aura tout fait pour faire venir son héraut à Micropolis un vendredi soir à 17 heures. De là à dire qu’ils l’ont fait exprès… Merci d’avance.
Quant aux militants Hollandistes — s’ils veulent faire preuve d’humour et d’opportunisme politique — ils profiteront sans doute du grand embouteillage de Micropolis pour y distribuer des tracts avec un petit feuillet bonus précisant :
[quote]Cet embouteillage vous est offert par Nicolas Sarkozy et l’UMP locale. Patience. Plus que quelques semaines.[/quote]
— Bonjour Monsieur Teint. Excusez-moi de vous importuner mais vous pourrez peut-être m’aider. Voilà, j’ai reçu une lettre de la mairie et je ne comprends pas tout. Mes vieux yeux y sont sans doute pour quelque chose mais c’est surtout qu’il y a des phrases bizarres…
— Si je peux vous être utile Mme Durand… Faites-moi voir cette lettre…
— Vous étiez tout de même au courant des travaux qui vont commencer au 6 rue de la Madeleine ?
— Oui oui. Ça j’ai bien compris et je sais que ça ne va pas tarder. Le chantier et tout ça. C’est la suite qui m’échappe. J’ai surligné certains passages. Là voyez, ils écrivent :
Le projet initial prévoyait le maintien du sujet végétal majestueux dans la grande cour.
Néanmoins, un diagnostic mené par l’ONF a démontré la présence de champignons créant un risque de rupture.
Compte tenu de ce diagnostic, il sera donc finalement abattu et remplacé par un nouveau sujet d’envergure qui pourra s’épanouir et recréer une ambiance végétale unique dans cet espace privilégié du quartier Battant.
— En effet, c’est alambiqué… Mais je pense qu’on peut le dire plus simplement, sans tourner autour du pot. Tenez :
Le projet que l’on vous a présenté promettait de conserver le grand et magnifique arbre qui est dans la grande cour.
Néanmoins, un diagnostic mené par l’ONF a démontré la présence de champignons qui vont grandement faciliter les affaires du promoteur de ce projet immobilier. Promoteur pour qui cette saloperie d’arbre était sans doute une vraie plaie en plein milieu de son chantier avec tous les engins qui vont devoir y circuler pour construire au plus vite ces immeubles qui vont lui rapporter plein de pognon.
Compte tenu de ce diagnostic et de ces intérêts qu’il convient de satisfaire, l’arbre sera donc finalement abattu et remplacé par un arbuste qui grandira lui aussi, si si. Et dans 50 ans vous verrez ça aura de la gueule.
— Alors ils vont le couper notre grand arbre… Comme son voisin le conifère qu’on savait déjà condamné. Et ils nous préviennent la veille évidemment…
— Oui Madame Durand… Il ne faut pas laisser aux riverains le temps de pétitionner, vous pensez bien.
— Vous le connaissez M.Teint ce dicton : « Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage » ?
— Oui Mme Durand. La rage ou bien… des champignons n’est-ce pas ?
Madame Durand m’a rappelé en fin d’après-midi. Le conifère a été débité aujourd’hui.
Son voisin, le « sujet végétal majestueux » dont on avait promis le « maintien » aux riverains de la cour. Son voisin attend maintenant son tour.
Au passage si vous aviez flashé sur cette image bucolique et arborée quand vous avez réservé l’un des futurs appartements du Clos Chapelaine (ah, ces petits noms ruraux pour sonner rustique), il va falloir vous faire une raison : vous avez acheté un grand et magnifique arbre mort.