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Quand le Jura rate son buzz à cause… d’une adresse internet squattée

Ce billet est l’oeuvre d’un « rédacteur invité » comme on dit…


« Vous écoutez France-Info, il est 7h48 … tout de suite une page de pub puis votre journal… »

Sans doute avez-vous entendu cela sur l’antenne radiophonique de service public. En temps normal, durant la pub, il vous arrive de zapper sur une autre station. Et parfois, vous restez pour ne pas rater le journal de 8 heures. Si tel est le cas, vous n’avez pu échapper à la publicité – très osée –  initiée par le Comité départemental du Tourisme (voici un article détaillé consacré à cette campagne ).

Si vous n’avez pas entendu les spots diffusés, un petit retour en arrière s’impose.

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Aguicheurs, osés, décalés…. Un peu trop au goût de certains. La polémique est déclenchée et le retrait de l’antenne demandé par les Chiennes de garde.

Le défaut de conseil et l’image de marque

Avec ces spots, le CDT du Jura a voulu créer un « buzz ». En langage pro, on parle de campagne de marketing viral.

Notons que selon LePoint, c’est la même agence de pub bisontine [Dartagnan, ndlr] qui est à l’origine d’une autre campagne remarquée sur la saucisse de Morteau et ses 20 centimètres de pur bonheur.

Sauf que le buzz à tout prix peut parfois devenir incontrôlable et se révéler préjudiciable pour une marque. Sur 10 opérations de marketing viral, en règle général, seules une ou deux arriveront à se démarquer du lot.

D’emblée, précisons que le marketing viral est une affaire de spécialistes et non de simples pubards désireux de diversifier leur activité historique. Car une opération de « buzz » n’est pas un simple coup de chance : c’est une mécanique subtilement orchestrée.

Vous n’avez par exemple pas pu rater le clip de Victoire Passage, mystérieuse blonde qui soutenait le candidat à la présidentielle du Front de Gauche… Devinez qui était derrière ? Voici la réponse étayée de quelques conseils de vrais pros.

Pour notre campagne jurassienne, le buzz tourne au fiasco et se retourne contre la marque. En l’occurrence, contre le territoire et son image jusqu’à ce jour considérée comme prestigieuse, calme, douce et réservée.

La faute à des spots trop courts intégrant une ambiance musicale proche d’un glauque service de Minitel rose, des textes limites incompréhensibles et pas assez décalés, et pour couronner le tout, une voix-off très mal choisie qui ne fait pas franchement envie. C’est à penser que le territoire est prêt à se prostituer pour accueillir les touristes.

Mais l’erreur est encore plus grave lorsque l’on sait qu’au terme de l’écoute, la finalité est de renvoyer les auditeurs vers le site du CDT jurassien. Ce site est accessible à l’adresse suivante : « jura-tourisme.com »

Maintenant, réécoutez bien les deux spots. L’adresse donnée littéralement par la voix-off à la fin du spot et interprétée par l’auditeur-internaute est « jura tiret tourisme point com ».

Faisons le pari qu’en rentrant chez vous après avoir entendu ces spots, vous chercherez logiquement à vous connecter sur ce dernier en tapant l’adresse dans votre navigateur. Vous vous souviendrez alors de trois mots clés : « Jura tourisme pointcom ».

Et la, ce fichu tiret toujours oublié va venir jouer les troubles fêtes. Car « juratourisme.com » n’appartient pas au CDT.

L’internaute se retrouvera sur une page dite de « parking » et qui est la propriété d’un squatteur. Grâce à cette publicité inespérée, notre anonyme a du voir le trafic de sa page augmenter et ainsi pu générer malgré lui quelques centaines de dollars supplémentaires pour ce qui semble être un service de réseau social. Sympa le Jura !

Entre l’oubli du dépôt d’un nom de domaine par une candidate bisontine aux législatives qui se présente comme une « pro du web », le slogan coquin du Doubs et un autre cas régional de typosquatting similaire au cas du Jura [Allez faire un tour sur ville-belfort.fr puis sur villebelfort.fr], on s’aperçoit qu’un mauvais conseil peut faire perdre de l’argent et de la crédibilité à une marque.

Cette fois-ci, c’est sur le Jura que ça tombe. Mais on espère bien entendu que l’Originale Franche-Comté arrivera à rattraper le coup.

« Concevoir une stratégie digitale est définitivement une affaire de pros… du digital » dixit un spécialiste bisontin du sujet.

Rien à ajouter.


Ils en parlent sur le Web :

Guide de survie à l’usage des équipes de France Inter en terre bisontine

Ce jeudi 10 novembre, Besançon accueillera France Inter qui effectuera dans notre ville la 5e étape de son périple mensuel « 12 mois, 12 villes, 12 éclairages« .

Les Bisontins sont flattés – n’allez pas croire le contraire – et les équipes de France Inter seront bien accueillies.
Toutefois, il me semble utile d’éclairer ces gens sur quelques aspects de la vie locale. S’ils savent en tenir compte, leur « rendez-vous en terre inconnue » devrait se passer au mieux, sans anicroche. Chacun pourra alors réintégrer la Maison de la Radio ravi de sa virée bisontine.

Sinon… sinon vous avez sans doute vu Projet Blair Witch ou Délivrance n’est-ce pas ?

France-Intérien, France-Intérienne, lis donc la suite et prends des notes hein… ça pourrait te sauver ton séjour parmi nous.

1. Besançon, tu situeras

Tout d’abord tu es ici :

Et pas du tout là :

Commencer ton émission par : « Vous êtes bien là Briançon !!!? » jetterait un froid certain et recueillerait peu de réponses. A éviter donc.

2. Dans Besançon tu ne t’égareras pas

Pour ça tu dois savoir que le Bisontin moyen est du genre contrariant avec la toponymie.
Regarde par exemple : c’est à l’Hôtel de Ville que se dérouleront les émissions de ce jeudi n’est-ce pas ? Eh bien, si tu demandes à un quidam de t’indiquer la Mairie, celui-ci t’enverra à un tout autre endroit.
A Besançon, l’Hôtel de Ville c’est l’Hôtel de Ville et la Mairie, bah… c’est la Mairie quoi.

Mais tu n’es pas au bout de tes peines, même si tu demandes ton chemin correctement. Démonstration :

[quote]- Pourriez-vous m’indiquer l’Hôtel de Ville s’il-vous-plaît ? (c’est bien connu, les gens de la Maison de la Radio sont très bien élevés)

– Oui bien-sûr. Traversez-voir ((Nous reparlerons de ce « voir » étrange un peu plus loin)) la place du Marché. Après suivez-voir ((Même syndrome)) la Grande Rue et vous allez arriver sur la place Saint-Pierre. C’est là.
[/quote]

Serviable le Bisontin. Mais très conservateur toponymement parlant. La place du Marché se nomme en fait « place de la Révolution » depuis belle lurette.
Quant à la place Saint-Pierre, ça fait à peine plus de cinquante ans qu’elle s’appelle « place du 8 septembre 1944 » … mais non ça ne rentre pas. Rien à faire.
Donc, note bien : place Saint-Pierre = place du 8 septembre…. voilà voilà

Quant à notre fameuse Porte Noire sous laquelle tu ne manqueras pas de passer si tu décides de pousser jusqu’à la Citadelle, tu remarqueras qu’elle est blanche. On est comme ça à Besançon. Quand c’est noir, on dit blanc et quand c’est blanc…

3. L’ennemi de Besançon tu repéreras

L’ennemi c’est Dijon (beurk).
Si tu as déjà observé la rivalité entre Toulouse et Bordeaux, tu retrouveras sensiblement le même amour vache entre Besançon et Dijon. Voisines trop proches et trop éloignées à la fois.

Les habitants de Besançon conçoivent Dijon comme une ville bourgeoise et froide qui n’a de cesse de vouloir siphonner l’économique et administrative moelle bisontine pour n’en laisser qu’une carcasse vide.
Les Dijonnais, eux, ne pensent rien de Besançon. Ils ont pour la plupart une idée peu précise de cette petite ville là-bas, à l’Est, vers la Suisse.

Tu comprendras donc qu’inviter un journaliste dijonnais pour évoquer « Besançon face à la crise » puisse être ressenti amèrement sur les bords du Doubs.

4. Le Bisontin tu traduiras

L’accent du coin, il faut t’y préparer puisqu’en radio il va s’entendre, c’est certain. Sache que plus cet accent est « à couper au couteau » et plus il vient de haut. Du Haut-Doubs pour être précis. Mais si ! tu sais… cette contrée des hauts plateaux qui jouxte la Suisse. C’est là que se trouve Mouthe,  ce village glaciaire, véritable « marronnier de l’actu » en période froide. Notre marron glacé à nous.
Pour te préparer au pire, voici un aperçu de l’accent des « gens du Haut ». A visionner et écouter à partir de 1 minute.
[iframe http://www.twitvid.com/embed.php?guid=S1FSR&autoplay=0 480 360]

Et puis il y a ces expressions régionales qui ne doivent pas te surprendre. Aller. Je te mets en situation. Tu as 2 heures devant toi et tu souhaites te rendre à la Citadelle. Dialogue :

[quote]- S’il-vous-plaît, je voudrais monter à la Citadelle. En voiture c’est possible ?

– Oh la ! Avec le bordel des travaux de cette saleté de tramway vous n’êtes pas arrivé. Vous avez meilleur temps d’y aller à pied. [/quote]

Dans la réponse de l’autochtone tu auras sans doute remarqué – hormis l’attachement des Bisontins à leur futur tramway – une expression curieuse : « avoir meilleur temps de ».
Elle est tout à fait locale, Doubiste voire Jurassienne. En l’occurrence, elle pourrait être « traduite » par : « Vous auriez plutôt intérêt à y aller à pied ».

Un autre tic verbal très Franc-Comtois : le verbe voir qui suit un autre verbe. Exemple :

[quote]- Regarde-voir dans le frigo si y’a encore du Comté et sors-le-voir.

– Finis-voir ta soupe avant de sortir de table !

– Allume-voir France inter et écoute-voir ce qu’ils disent sur Besançon.

– Lis-voir le billet du Bison Teint si tu veux comprendre quelque chose à ce dialecte étrange. [/quote]

5. A Besançon, certaines gaffes tu ne commettras pas

Là je te préviens, il y va de la qualité de l’accueil que tu recevras chez nous. Les Bisontins et les Comtois en général sont « des bêtes à sang froid ». Ils sont plutôt discrets et peu expansifs. Mais lorsque la moutarde (pas de Dijon, jamais) leur monte au nez… pif ! paf ! pouf !
Fais gaffe quoi. Donc voici des choses à ne pas dire ainsi que quelques sujets à éviter :

En société

  • « Besançon dans le Jura »
    Nan. Dans le Doubs ! Même si nous sommes effectivement au pied du massif du Jura.
  • « Alors comme ça vous êtes Besançonnaise ? »
    En fait on dit « Bisontine » .
  • « Vous avez une équipe de foot ? »
    Euh oui mais… non. On préfère faire semblant de ne pas en avoir. C’est douloureux. Il n’y a qu’un club de football digne de ce nom dans la région : Sochaux. Et comment dire… Sochaux c’est Montbéliard et… vis à vis de Montbéliard, Besançon est distante et un peu hautaine. A bien y regarder, les Bisontins se comportent un peu en Dijonnais à l’égard des Montbéliardais…
  • « Y’a un Ikéa ? »
    Non. Il est à Dijon (sujet de crispation)
  • « Une FNAC peut-être ? »
    Peut-être oui. Un jour (très ancienne frustration).

Dans la rue

Au restaurant

  • « Il est bon ce rosé. »
    En fait c’est du Poulsard. Un cépage local.
  • « Votre vin blanc là il est tourné non ? Il est tout jaune et il a un drôle de goût.
    Attention : si c’est jaune et que ça sort d’une petite bouteille, c’est du Vin Jaune. Un nectar sacré pour les gens du coin. Respect.
  • « Le miel là il a un goût d’ail. »
    Oui bah c’est de la cancoillotte quoi.
  • « Je ne reconnais pas le goût du pastis »
    Normal : c’est du Pontarlier.
  • Y’a pas de trous dans le gruyère !
    Logique, c’est du Comté…
  • Et les tapas ?
    On doit ce cliché à Victor Hugo qui est né à Besançon et en est définitivement parti à l’âge de six semaines. « Besançon, vieille ville espagnole » écrivit-il plus tard. Mais moi, les bars à tapas, je les cherche encore.

En voiture

  • « Allons nous balader sur les routes de Haute-Saône. »
    Non ça c’est l’erreur ultime. A moins d’avoir une vocation de grand reporter un brin suicidaire, restez dans le Doubs. Conseil d’ami.

Aller, j’en termine avec ces quelques conseils. Et merci à tous les amis de la Twittosphère bisontine et comtoise (parfois en exil) qui ont apporté beaucoup d’idées à ce petit guide de survie… et bon séjour et bonnes émissions aux équipes de France Inter !

Ah si ! Une dernière chose. Vous en apprendrez beaucoup sur notre ville en allant lire cet excellent billet écrit par mon ami Grugru pour la Désencyclopédie. Attention, ça pique !


A la suite de ce billet

Pascale Clark parle du “Guide de survie à l’usage des équipes de France Inter en terre bisontine“… en plus elle me remercie “du fond du cœur”. Je ne ferai pas le faux modeste. Je suis très fier de ça 🙂

[audio:http://bisonteint.net/wp-content/uploads/2011/11/comme_on_nous_parle10.11.2011B.mp3|titles=Comme on nous parle – Pascale Clark – jeudi 10/11/2011]


Merci à elle ainsi qu’à Collin et Mauduit qui en avait également parlé la veille.
C’était ce jeudi 10 novembre en direct de Besançon.
L’intégralité de son émission est ici.

A lire également

Vu à la radio…

Hier la twittosphère française était en ébullition et dans l’attente de l’annonce de la composition du nouveau Gouvernement, ce fut une avalanche de tweets drôles, moqueurs, grinçants… comportant le hashtag #remaniement .

Ce matin, dans sa chronique « Deux minutes du Net » sur Europe 1, Guy Birenbaum en a proposé un florilège.

A ma grande surprise, l’un de mes tweets a été retenu avec celui d’une jeune belge pour l’amical « prix du message le plus drôle »…  Pas peu fier !

Ce tweet était une réponse à Nicolas Béliard qui avait eu l’idée de la fumée blanche. Merci à lui et merci à Guy Birenbaum.