Le Web va vite. L’info fuse. À peine un fait s’est-il déroulé qu’il est déjà relaté sur Twitter, retwitté ((un message Twitter est retwitté lorsqu’il est partagé par une personne abonné au compte de la personne qui l’a diffusé)) et encore retwitté…
Le hic, c’est que l’info de départ est généralement brute, elle n’est pas encore analysée, ni mise en perspective. Voire pire : elle n’a parfois même pas été vérifiée.
À l’échelle nationale cela peut mener par exemple à la fausse mort de Margareth Thatcher annoncée sur Twitter par un pseudo site d’actualité qui avait pris pour argent content une info diffusée sur le faux compte Twitter de Carla Bruni Sarkozy…
Au niveau local, voici une anecdote du jour…
Ce samedi 26 mai 2012, un conseiller municipal UMP de Besançon poste un statut sur son profil Facebook.
S’ensuit un échange avec d’autres conseillers municipaux… de droite et de gauche. Ils ne sont pas d’accord, on s’en doute. Le débat démocratique se passe aussi sur les réseaux sociaux.
Dans cet échange, intervient Martine Jeannin qui elle aussi est élue au Conseil municipal de Besançon. Mme Jeannin est étiquetée Gauche moderne… comprenez Centre droit — un jour il faudra d’ailleurs qu’on m’explique.
Mme Jeannin commente :
On l’aura compris, Martine Jeannin n’aime pas plus du tout le PS dont elle fut pourtant la candidate aux législatives de 2007 sur la 5e circonscription du Doubs. Aujourd’hui elle semble surtout obnubilée par les sujets de l’immigration et de la burqa.
Quant à ses propos sur Mme Taubira et cette histoire de drapeaux tricolores brûlés que la ministre aurait excusée… il s’agit d’une rumeur totalement bidon, montée et relayée par une certaine droite qui a fait de Mme Taubira, la cible favorite de son racisme latent non assumé. Et même le chef de l’UMP s’en mêle.
Il ne s’agit pas ici de classer Mme Jeannin dans cette triste catégorie mais d’observer que quiconque relaie ce genre de rumeur, fait preuve en — conscience ou non — de complaisance voire de complicité envers des méthodes pour le moins nauséabondes.
Côté judiciaire, relayer de telles rumeurs infondées revient à calomnier et à prendre le risque d’une plainte en diffamation. Venant d’une élue de la République, c’est ballot et pas exemplaire pour deux sous.
Décryptage : pour propager efficacement une rumeur de droite, liste des ingrédients :
- une bonne dose de rancœur envers l’élection de François Hollande et l’arrivée de la gauche au pouvoir ;
- un soupçon d’envie d’en découdre aux législatives ;
- une grosse louche de propension à diffuser tout ce qui semble démontrer la vilenie et l’antipatriotisme de ladite gauche ;
- une rumeur répondant à toutes ces attentes …
Un ingrédient suffirait pourtant à s’éviter une recette immangeable : une simple cuillère à soupe d’esprit critique. Dans le cas qui nous intéresse, celle-ci semble avoir clairement manqué à Mme Jeannin qui n’a pas pris la peine de douter et à accepté sans coup férir l’antipatriotisme dénoncé de Christine Taubira.
Une simple recherche sur Internet à l’aide des mots-clés « drapeau Taubira » lui aurait pourtant permis de démonter la rumeur puisque l’on trouve plusieurs articles sur le sujet et notamment le premier d’entre eux (publié le 20 mai dernier) :
- Christine Taubira et les drapeaux français brûlés : démontage d’une rumeur (lelab.europe1.fr)
Mais que Martine Jeannin se rassure. Elle n’est pas la première. Roselyne Bachelot elle-même s’était faite l’écho des drapeaux brûlés de Taubira (avant la publication de l’article d’Europe 1) :
Peillon oublie de concerter,Fabius dort dans les réunions internationales Taubira oublie son passé indépendantiste et le drapeau français2/1
— Roselyne Bachelot (@R_Bachelot) Mai 20, 2012
Et puis, ce péché de « Web-crédulité » n’est pas l’apanage de la droite. Rappelons le cas de Jean-Luc Mélenchon qui — entre les deux tours de la Présidentielle — évoquait sur France Inter une affiche pétainiste titrée « Fête du vrai travail » et dénonçait à grands cris la reprise par Nicolas Sarkozy de ce slogan vichyste …. À ceci prêt que l’affiche en question n’était qu’un fake circulant sur le Net.
Je vous laisse donc transposer à gauche la recette précédente…
Mélenchon, Jeannin dans le même panier. Qui l’eût cru ?
Pour en finir avec notre anecdote locale, la discussion s’est poursuivie sur Facebook avec Mme Jeannin :
Voià voilà… pas de regret donc de la part de notre élue. Aucun sentiment de responsabilité individuelle dans le colportage de cette rumeur. Comprenez bien : c’est tellement facile de partager, de retwitter… que certains se sentent visiblement totalement déresponsabilisés des conséquences de leurs « clics » et de leurs commentaires.
En résumé : ce n’est pas de ma faute, « Y’a quelqu’un qui m’a dit… » comme chanterait l’autre…
Je ne sais pas vous, mais venant d’élus de la République, je trouve ce genre de comportement fort inquiétant.
En résumé : le sens de la critique n’est rien quand on le prive d’esprit critique.
Post scriptum : Mme Jeannin a rapidement effacé son dernier commentaire…