J’ai déjà publié plusieurs billets sur le sujet du déplacement annoncé de la statue du Marquis de Jouffroy d’Abbans. Vous trouverez chronologiquement un résumé de cette « affaire » ici, là et encore là.
J’ai eu aussi un contact par email avec Pascal Coupot – le créateur de la statue – à qui j’avais proposé de s’exprimer sur le blog.
A ce jour, Pascal Coupot est toujours dans l’attente que les services de la mairie de Besançon prennent contact avec lui afin de le consulter sur la destination future de son oeuvre.
Il me transmet aujourd’hui ce texte que je publie en intégralité.
La vraie question du déplacement de la sculpture de JOUFFROY d’ ABBANS
L’important pour moi n’est pas la polémique avec la mairie dont je n’aurais que faire si je n’en étais l’otage.
L’important est que la sculpture continue de répondre à son concept. Je m’explique: cette oeuvre est l’aboutissement d’une réflexion et d’une démarche autour du personnage de JOUFFROY d’ ABBANS.
Au XIXe siècle, le lieu situé entre l’église de la Madeleine et le Pont Battant a été baptisé « Place Jouffroy d’ Abbans », en hommage à l’inventeur du bateau à vapeur. Une sculpture en bronze a été commandée à Charles GAUTHIER, installée sur un gros piédestal en pierre au centre de cette place.
En 1941, les Allemands ont déboulonné la sculpture puis l’ont refondue, ayant besoin d’alliage cuivreux pour leur armement. Disparue donc. La ville commanda à un autre sculpteur, Jean JEGOU, une nouvelle oeuvre, cette fois-ci en béton. Pour des raisons de traffic routier et rayon de braquage, etc..la place a disparu pour devenir un simple carrefour mais le lieu a gardé son nom et la seconde sculpture en béton sur le socle en pierre de la première a été installée au jardin des senteurs, quai de l’Helvétie, où elle se trouve toujours.
Les associations de quartier, riverains, commerçants, etc, désiraient la réimplantation de cette sculpture place Jouffroy, la ville avait presque donné son accord quand elle s’est rendue compte qu’il n’y avait pas la place pour l’y installer. C’est alors que j’ai proposé de réaliser une autre sculpture pour le prix estimé alors du seul déplacement de la sculpture en béton et de son socle.
Mon concept était le suivant: comme il n’y a pas de place sur la place, qui d’ailleurs n’existe plus, pour une sculpture, je la place sur le trottoir adjacent , c’est-à-dire quai Veil Picard. Il n’est bien sûr pas sur le trottoir pour faire le tapin, mais descendu volontairement de son piédestal pour devenir un piéton comme les autres parmi les Bisontins, le seul détail le différenciant étant le costume de son époque. Ainsi désacralisé, sur le même plan que ses semblables, les familiers du lieu se sont habitués à lui et comme vous l’ont adopté.
A cet endroit, il est devant sa plaque commémorative, plaque discrète qui en quelques mots nous le présente, mais pourtant son regard se perd au-delà du garde-corps, dans l’eau du Doubs, lieu de son invention où il laisse aller sa rêverie de visionnaire. De plus, placé comme il l’est, cet homme progressiste du siècle des Lumières tourne le dos à l’ église de la Madeleine, comme le faisait la première sculpture de sa représentation au centre de la place. Enfin, détail important: la sculpture a été conçue pour cet endroit précis et les pointes de ses souliers sont légèrement relevées afin de sembler se poser naturellement sur la pente du trottoir qui permet le ruissellement des eaux de pluie. Ailleurs, il aura les talons dans le vide ou le bout des pieds sous terre.
Une sculpture, c’est tout cela, ce n’est pas du mobilier urbain ! Un banc peut être mis à l’ombre s’il fait chaud puis déménagé au soleil si la saison se rafraîchit.
Une sculpture, c’est plutôt comme un suppositoire, si on se trompe d’endroit pour le mettre, on n’obtient pas du tout l’effet escompté et pourtant c’est toujours un suppositoire, mais il devient alors inutile voire indigeste …!
Par conséquent, cette sculpture, qui est parmi mes autres réalisations la plus connue, la plus reconnue, la plus publiée, photographiée et sans doute la plus aimée du public est ma carte de visite.
Elle m’a demandé pas moins de 1200 heures de travail pour un prix total qui ne couvrirait pas aujourd’hui le seul coût de fonderie. Je vous passe les détails de ce qu’un artiste peut s’entendre dire parfois, en conclusion je demande seulement à ce que ce Jouffroy ne ne soit pas baffoué, mais réinstallé après une vraie réflexion et recherche de ma part, en concertation avec la ville, comme d’ailleurs la loi l’impose.
Je vous remercie de votre soutien, à vous, aux Bisontins, aux internautes qui se sont sentis concernés pour que cette sculpture ne soit pas abandonnée au fond d’une cave pendant deux ans, mais c’est sa réinstallation définitive qui me préoccupe le plus. Sur le futur pont Battant, comme je l’ai lu quelque part, je ne sais pas, il me semble un peu prématuré, là encore, de l’annoncer sans vérifier que le lieu se révélera judicieux, ce qui reste mon domaine de compétence. En attendant le contact constructif des services de la ville.
Bien à vous,
Pascal COUPOT