Je ne sais pas si vous avez déjà ressenti cela. Cette intuition que le choix que l’on s’apprête à faire restera vain s’il ne prend pas corps là, tout de suite – dans l’instant.
Ce moment de lucidité fugace où l’on pressent que s’accorder le temps d’y réfléchir serait prendre le risque de trouver une, deux puis dix bonnes raisons d’attendre le lendemain, le mois suivant, l’année prochaine. Et finalement de ne plus y penser du tout.
Je me rappelle avoir arrêté de fumer comme cela il y a bientôt dix ans.
Ce jour-là, j’avais au fond de la poche un paquet de tabac tout juste acheté et même pas encore ouvert. J’avais également pris conscience depuis quelques semaines qu’arrêter de fumer devenait nécessaire. Le plaisir choisi et ponctuel de la petite clope par-ci par-là ayant insidieusement laissé la place à l’habitude. Mes doigts décidaient sans moi. Ils roulaient seuls et de leur propre chef, des cigarettes que je fumais sans réelle envie et de plus en plus fréquemment.
Et c’est là qu’en pleine rue, j’ai eu ce petit échange intérieur avec moi-même (schizophrénie vous dites ?) :
– Pose ton paquet de tabac, tes feuilles et ton briquet dans la rue, là, maintenant.
– Et je fais comment si je reprends envie de fumer dans deux heures ?
– Tu rachètes toute la panoplie ET tu passes pour le dernier des couillons.
– Aux yeux de qui ?
– À tes propres yeux, banane !
J’ai tout posé sur une marche d’escalier. Je n’ai plus fumé pendant huit ans. L’orgueil a une puissance insoupçonnée.
Cette manière de prendre une décision radicale et soudaine parce que l’on sent dans un moment de lucidité que c’est LE choix qu’il faut faire, c’est exactement ce qui m’a poussé à me retirer de Twitter et Facebook il y a maintenant un mois. C’était le moment et c’était nécessaire.
Depuis le début de l’année déjà, les nouveaux billets étaient devenus rares sur le blog.
En cause ? Un manque d’inspiration, d’idées et d’envie d’écrire. À l’origine certainement une forme de lassitude après plus de quatre ans à alimenter le blog de manière plus ou moins régulière.
Ce dernier est donc pour le moment en stand-by mais il évoluera – je l’espère – vers quelque chose de différent dans un avenir plus ou moins proche.
La couleur « Petit Canard Enchaîné local » que certains lui attribuaient est évidemment flatteuse pour moi et pour tous ceux qui y ont contribué (mille mercis à eux). Elle est malgré tout surévaluée. Car si l’intention de départ avait effectivement à voir avec cela, je n’ai ni les moyens, ni le temps d’en faire assez pour faire bien.
Je rappelle juste que je ne vis pas de ce blog, que les instants que je lui consacre sont pris sur mon temps libre qui n’est pas extensible et que je souhaite par ailleurs consacrer à d’autres activités importantes pour moi.
En d’autres termes, je ne souhaite plus jouer au petit jeu du blog local d’actualités / polémiques ou pas… Cette envie-là m’a passé.
Laissons donc tout cela à la presse en espérant très fort qu’émergeront un jour des « Médiapart locaux » véritablement instigateurs et décomplexés vis à vis de tous les pouvoirs locaux. Des médias capables d’investiguer en réponse à un « Les yeux dans les yeux, je n’étais pas informé… » plutôt que de se contenter de le publier et puis… plus rien.
Ayons des utopies.
Quant à la page Facebook – puisque c’est surtout là que l’absence a été remarquée – elle était devenue quelque chose d’assez étrange pour moi. Être suivi par plus de 10.000 abonnés est certes gratifiant mais cela vous confère une pseudo-importance assez déstabilisante. Avec le risque de finir par se prendre soi-même un peu trop au sérieux.
Les gens attendent beaucoup de vous. Ils vous considèrent comme un machin hybride à mi-chemin entre le média d’information et le service public. Ils ne remarquent pas toujours l’aspect décalé de certaines publications, prennent les fake au pied de la lettre et s’énervent même parfois après coup.
Concrètement, ce sont des dizaines de messages par jour, très sympathiques pour la plupart. Des informations et des photos que l’on vous envoie, des demandes de publications sur la page (chats perdus, événements à annoncer, demandes d’aides en tous genres). Bien vite il devient impossible de répondre favorablement à tous, voire même de répondre tout court.
Tout cela est chronophage et énergivore quand on a le désir de le faire correctement : la lecture des commentaires publiés sur la page (presque tous), la modération (parfois nécessaire), les publications, les gens à remercier, les précisions à demander, les contents, les mécontents, les commentaires second degré que certains prennent au premier. Les points Godwin…
Entendons-nous bien, je ne me plains pas de cette situation. Je l’ai bien cherchée et je considère comme une chance que cette page soit devenue un « lieu » où autant de Bisontins (et pas seulement) se retrouvent pour partager, discuter, sourire, s’entraider, s’interroger, plaisanter mais aussi évidemment grincer, éructer, s’énerver…
Malheureusement, on n’échappe pas non plus aux commentaires faciles et simplificateurs. Aux réflexions populistes à deux balles, au « tous pourris » généralisateur dès qu’il est question de politique. Au racisme rampant voire franchement assumé dans les commentaires de certaines actualités.
Cela me navre et il faut l’avouer, l’idée de participer malgré moi à l’exposition de ces idées bas du Front me pose problème et je m’interroge sur ma propre responsabilité.
C’est précisément en lisant l’un de ces commentaires, que le besoin de « tout couper » est devenu évident et nécessaire il y a un mois tout juste. Un commentaire somme toute bien anodin mais peut-être celui de trop. Le déclencheur.
Pour moi c’était le moment et ça s’imposait. La prise de recul était devenue nécessaire.
J’aurais bien sûr pu me mettre simplement en retrait et laisser la page active pour ceux qui souhaitaient s’y exprimer.
Mais voyez-vous, les réseaux sociaux ont l’incroyable capacité de se rappeler constamment à votre bon souvenir. Les commentaires et les messages privés vous sont notifiés. Et puis il y a cette tentation d’y retourner pour jeter un oeil « juste pour voir ». Difficile dans ces conditions de prendre du recul.
Donc couic ! Et ça fait du bien. Jusqu’à quand ? Pour toujours ? On verra.
Désolé pour tous ceux qui se sont inquiétés et à qui la page manque. Je comprends que ce départ soudain ait pu étonner, voire décevoir. Je n’ai pas répondu à la plupart des mails, c’est vrai. J’ai préféré attendre un peu et écrire une bafouille quand le moment se présenterait. C’est ce que je fais aujourd’hui suite à l’article de Bernard Payot paru hier (29/06) dans l’Est Républicain.
Et puis il y a cette question que l’on m’a posée à plusieurs reprises : as-tu reçu des pressions ?
Soyons clair : non. Je n’ai pas été menacé, bâillonné. Pas torturé non plus… À cet égard et afin de rassurer ceux qui douteraient de ma capacité à pouvoir (encore) ruer du sabot, je peux promettre ceci : si pressions il y avait, et d’où qu’elles proviennent, ce blog en ferait immédiatement état, dans le détail. C’est promis.
J’ai d’ailleurs découvert hier, à la lecture du billet de l’Est Républicain, que le maire de notre bonne ville avait prononcé « en privé » cette classieuse sentence à mon sujet :
« S’il continue à nous faire ch…, on appellera le rectorat et on verra. »
(NDLR : je suis enseignant de profession)
Une phrase sortie de son contexte et qui a été prononcée dans des circonstances que le journaliste ne précise pas. Le bon sens nous permet toutefois de la dater avec plus de précision que le Carbone 14. Disons entre la fin glorieuse et médiatique du blog « Bison Peint » et la panique d’un second tour qui – en (con)sacrant Jean-Louis III – mit fin de justesse à la Jacquerie qui menaçait Jean-Louis II.
Sinon j’ai à nouveau arrêté de fumer le jour où j’ai « tout coupé ». Cette fois je compte tenir plus de huit ans. Pour le reste, on verra bien.
Dans l’immédiat je tente un retour à mes premières amours.
Pour le Rectorat, composez le 03 81 65 47 00